Publié le 16 juin 2023 par : Mme Vichnievsky, M. Mandon, Mme Brocard, Mme Desjonquères, Mme Jacquier-Laforge, M. Latombe.
Après l’alinéa 32, insérer les deux alinéas suivants :
« Le concours comporte des épreuves d’admissibilité sous forme écrite, garantissant l’anonymat de la sélection des candidats pour les épreuves d’admission et permettant de vérifier pour chacun d’entre eux qu’il dispose d’une capacité de synthèse et d’un niveau de connaissances juridiques nécessaires à l’exercice des fonctions judiciaires.
« Les membres du jury de concours sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur proposition du conseil d'administration de l’Ecole nationale de la magistrature. »
La création d’un concours professionnel pour le recrutement de magistrats des deux premiers grades est inscrit dans la loi organique. Mais, à l’exception des conditions d’âge et de diplôme des candidats, les conditions d’application de ces dispositions sont renvoyées à un décret en Conseil d’Etat.
Cependant, le législateur doit exercer son contrôle sur ce nouveau mode de recrutement, sans abandonner cette compétence au pouvoir exécutif, d’autant que l’étude d’impact reste très floue sur le contenu et les modalités du futur concours. Le contrôle du Parlement doit porter sur trois points :
1. le caractère anonyme, au niveau de l’admissibilité, du concours, conforme à la tradition républicaine de notre pays ;
2. la vérification que les candidats, dont la formation universitaire juridique n’est pas requise, possèdent les connaissances de base nécessaires en droit civil, droit pénal, procédure civile et procédure pénale (Cons. Cons., 19 février 1998, n° 98-396 DC, c. n° 9), l’ENM n’étant pas une école d’apprentissage du droit ; la vérification aussi que les candidats disposent de la capacité à traiter, trier et hiérarchiser dans un temps contraint les informations abondantes d’un dossier de documents, capacité requise par l’exercice quotidien des fonctions judiciaires ;
3. le fait enfin que la mise à l’écart de la commission d’avancement pour procéder au recrutement de professionnels dans le corps judiciaire, ne conduise pas à placer cette voie d’accès sous le contrôle du ministre de la justice, par l’intermédiaire d’un jury de concours sur lequel il aurait la main.
L’indépendance de la justice, de valeur constitutionnelle comme la séparation des pouvoirs, doit être préservée. La règle était, depuis 1958, un système mixte de recrutement dans le corps judiciaire, fondé sur le concours, largement anonyme, avec un jury proposé par le conseil d’administration de l’ENM, et un recrutement sur titres contrôlé par un collège de magistrats élus.
En matière de séparation des pouvoirs, les lignes depuis quelques années ont tendance à bouger, toujours dans le même sens, au profit du pouvoir exécutif, que cela soit au détriment du Parlement ou de l’Autorité judiciaire.
S’il faut se garder de tout corporatisme judiciaire (on parle désormais « d’entre-soi » mais l’idée est la même), le Parlement doit rester vigilant, surtout en France, sur le risque de confusion des pouvoirs.
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