Publié le 9 juin 2023 par : M. Thiériot, M. Kamardine, Mme Serre.
Sont autorisés à pratiquer des honoraires différents les médecins pratiquant la spécialité de médecine générale, de pédiatrie et de gynécologie qui s’installent pour la première fois en libéral dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins telles que définies au 1° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique.
Le maintien de cette autorisation est conditionné à la poursuite de l’activité dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.
Amendement de repli du 979 : limitation de la mesure aux généraliste, gynécologues et pédiatres
La proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels affirme le besoin des Français de « trouver un médecin à une distance raisonnable du domicile, quel que soit l’endroit où l’on habite et dans un délai raisonnable ».
Ses auteurs, constatant que « 87% du territoire est un désert médical, résultat d’une longue fragilisation du système de santé et d’aspirations professionnelles des nouvelles générations jusqu’à présent mal anticipées », font de la réponse à ces inégalités territoriales le premier objectif de cette proposition de loi.
Tel est précisément l’objet du présent amendement qui entend inciter les jeunes médecins qui sortent de l’internat à s’installer dans les déserts médicaux par la possibilité d’intégrer le secteur II.
Les causes de la désertification médicale en médecine de ville sont connues : tout d’abord un manque structurel de jeunes médecins dû à la pyramide des âges et à la suppression trop tardive du numerus clausus qui ne produira ses effets que dans plusieurs années de sorte que nombre de médecins libéraux ne trouvent pas de repreneurs lorsqu’ils partent à la retraite.
A cela s’ajoute une rémunération trop basse, qui pousse les jeunes médecins à préférer un poste salarié, en hôpital ou centre médical, ou à s'installer en province où les loyers sont moins chers. Le coût généré par la location ou l’acquisition d’un cabinet médical est en effet difficilement supportable dans les zones à forte pression immobilière. Cela est particulièrement vrai en Ile-de-France qui, d’après le dernier zonage publié par l’ARS en 2022, constitue le premier désert médical de France métropolitaine pour l’accès au médecin généraliste. Fortement touchée par le phénomène de désertification médicale, la Seine-et-Marne compte ainsi en moyenne seulement 6 médecins généralistes pour 10 000 habitants.
Le phénomène de sous-dotation en « médecine de ville » de certaines zones s’amplifie par sa propre cause : la surcharge d’heures de travail et la pression d’une patientèle qui peine à trouver des rendez-vous sont en effet des facteurs supplémentaires considérables de démotivation pour les jeunes médecins qui préfèrent travailler à l’hôpital ou s’installer dans des zones moins tendues. La situation de la démographie médicale francilienne continue donc de se dégrader. Entre mai 2022 et mai 2023, l’Ile-de-France a encore perdu 354 médecins libéraux dont 244 médecins généralistes.
Au regard de cette dramatique évolution, le seul moyen susceptible de compenser l’ensemble des inconvénients à exercer dans ces déserts médicaux et ainsi d’inciter les jeunes médecins à s’y installer est de leur procurer un avantage financier durable qui dépasse le seul moment de l’installation.
La possibilité de s’installer en secteur II dans les déserts médicaux en conditionnant ce bénéfice au fait de demeurer dans ces zones sous-dotées est un moyen d’attirer rapidement de nouvelles installations pérennes de médecins.
Le secteur II permet en effet au médecin de moduler son tarif « avec tact et mesure » afin d’adapter sa rémunération aux coûts financiers qu’impliquent le prix des loyers et le besoin d’un secrétariat médical nécessaire pour augmenter le temps consacré à la patientèle et réduire les délais d’attente.
Incidemment, une telle mesure permettrait de résoudre une autre difficulté : actuellement l’installation en secteur 2 aussi bien en médecine générale que dans les autres spécialités nécessite de détenir des titres hospitaliers précisés à l’article 38.1.1 de la Convention nationale des médecins libéraux en particulier les titres d’ « ancien chef de clinique des université assistant des hôpitaux », d’ « ancien chef de clinique des universités de médecine générale », d’ « ancien assistant des hôpitaux ».
Or, d’après le rapport conjoint IGAS N°2017-129R / IGAENR N°2018-058, cette mesure entraîne des effets pervers sur les profils des médecins qui réalisent un post-internat. Le rapport juge indispensable « un recentrage du post-internat sur des fonctions véritablement hospitalo-universitaires ». Il constate que « de fait, plusieurs profils de médecins s'orientent vers le post-internat : ceux qui souhaitent s'engager dans une carrière hospitalo-universitaire (ou à défaut en hôpital public), ceux qui veulent compléter leur formation mais aussi tous ceux qui se destinent au secteur libéral et veulent seulement bénéficier des titres requis pour accéder au secteur II à honoraires libres » et déplore que ces derniers candidats « contribuent à gonfler artificiellement la demande du post-internat, une partie des places étant occupée par des praticiens dont le secteur II constitue l'unique motivation. »
En ouvrant une seconde voie que celle du post-internat pour accéder au secteur II, l’offre d’installation en secteur II dans les déserts médicaux permet de libérer les places en post-internat aux médecins qui ont la vocation de poursuivre une carrière hospitalo-universitaire.
La possibilité offerte aux jeunes qui sortent de l’internat de s’installer en secteur II dans les zones sous-dotées en médecine de ville est une mesure concrète qui permet de stopper à brève échéance l’hémorragie de généralistes et de spécialistes dans les déserts médicaux.
C’est également une mesure d’avenir : en permettant aux médecins de se rémunérer à hauteur de leur engagement tant en années d’études qu’en heures hebdomadaires consacrées au soin des patients, cette mesure valorise l’exercice de la médecine libérale et lutte contre le recul croissant de son attractivité auprès des étudiants en médecine.
C’est en tous les cas une mesure vitale : les délais d’attente pour obtenir des rendez-vous médicaux constitue en effet une perte de chance de guérison pour de nombreux malades.
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