Publié le 4 mai 2023 par : M. Thiériot.
Les labels financiers créés par l’État ne peuvent comporter dans leurs cahiers des charges des exclusions, même partielles, des entreprises du secteur de la défense.
L’existence d’une industrie de défense sur notre sol nous confère l’opportunité unique de ne pas dépendre de puissances étrangères pour assurer notre sécurité et de peser sur la scène internationale. La vigueur de notre BITD (base industrielle et technologique de défense) constitue ainsi une condition sine qua non de notre autonomie stratégique, et in fine de notre souveraineté, préalable indispensable à la protection de la population.
La capacité de financement des entreprises de la BITD joue à cet égard un rôle déterminant : un affaiblissement de ce dernier conduirait à leur disparition progressive et à la prise de contrôle par des acteurs étrangers de nos actifs et compétences stratégiques, menaçant directement notre souveraineté.
En outre, la BITD française compte, au sens large, près de 4 000 entreprises et 200 000 emplois répartis sur l’ensemble du territoire. Il s’agit donc d’un secteur conséquent de notre économie qui fait vivre de nombreux foyers et mérite également pour cette raison d’être préservé.
Or, les entreprises de la BITD française connaissent aujourd’hui des difficultés croissantes pour financer leurs activités. La mission flash sur le financement de la BITD (Rapport sur la mission flash sur le financement de l’industrie de défense des députés Françoise Ballet‑Blu et Jean‑Louis Thiériot, 17 février 2021) a mis en lumière l’existence de plusieurs phénomènes expliquant une actuelle plus grande frilosité des banques à financer l’industrie de défense, notamment les attentes des actionnaires et des clients qui incitent les institutions financières à introduire des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs propositions d’investissement au détriment, notamment, du financement de l’industrie de défense.
C’est sur ce dernier point que le présent amendement entend agir pour préserver notre industrie de défense d’une désertion des investissements qui lui serait fatale.
En effet, le risque majeur qui plane sur le financement de l’industrie de l’armement tient à la popularité des fonds d’investissement se prévalant de critères ESG. Pour lutter contre le greenwhashing (marketing vert trompeur/éco‑blanchiment) et plus largement contre les affirmations trompeuses sur la composition des fonds d’investissement, de nombreux labels publics ou privés ont vu le jour afin d’apporter au consommateur une garantie quant à la réalité de la politique RSE (responsabilité sociale des entreprises) menée par les entreprises dont les titres sont proposés par le gérant du fonds.
Or certains de ces labels doublent leur approche ESG d’une stratégie d’exclusions sectorielles, notamment des entreprises de l’industrie de défense. Le président de l’Autorité des marchés financiers, M. Robert Ophèle relève en effet qu’ « on observe le développement croissant de la labélisation de produits financiers excluant l’armement sur base de considérations éthiques – avec des seuils d’exclusion en pourcentage du chiffre d’affaires qui peuvent varier selon les gérants – à côté d’autres valeurs, parfois qualifiées de « sin stocks » (tabac, jeu, pornographie, alcool…), ou jugées nocives à l’environnement (OGM, nucléaire, charbon, autres énergies fossiles…) » (Cf. rapport mission flash précité).
Il en est déjà ainsi du label Towards Sustainability lancé en 2019 par Febelfin - la fédération belge du secteur financier - lequel s’impose comme l’un des trois principaux labels européens et qui exclut les entreprises dont plus de 10 % du chiffre d’affaires est issu de la production d’armes ou de composants liés.
Dans un avenir proche, il est à craindre que le label français ISR (Investissement Socialement Responsable) créé par le ministère des finances en 2016, principal concurrent du label belge avec le label luxembourgeois LuxFlag, et plus marginalement le label Greenfin lancé par le ministère de l’écologie fin 2015 puissent s’inspirer de cette approche d’exclusions sectorielles, plus facilement comprise par les épargnants.
Il appartient dès lors au législateur national d’intervenir afin de prévenir les méfaits de telles pratiques sur le financement de tout un secteur de notre économie dont dépend notre souveraineté.
Cette intervention est d’autant plus urgente et nécessaire que le rapport technique du Centre de recherche commun (JRC) de l’Union sur le développement d’un écolabel européen pour les produits financiers de détail projette explicitement d’exclure de la taxonomie européenne les entreprises si la part de leurs activités de production et de vente d’armes conventionnelles et d’équipements militaires « utilisés pour le combat » dépasse les 5 % de leur chiffre d’affaires. Dans ce contexte, une évolution des labels français vers une approche d’exclusion sectorielle ôterait à la France toute crédibilité de négociation au niveau européen.
S’agissant des labels publics créés par l’État français, il est proposé de modifier le cadre législatif qui régit l’évolution des cahiers des charges de ces labels en interdisant l’ajout d’un critère d’exclusion du secteur de la défense dans la définition du label.
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