Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 25 mars 2021 à 21h00
Lutte contre les individus violents lors de manifestations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Marcel Achard, écrivain et dramaturge français, disait que « la plus cruelle, manifestation du public, c'est son absence. Qu'il siffle, mais qu'il vienne ». Et le moins que l'on puisse dire, c'est que depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, des manifestations et des sifflets, il y en a eu : gilets jaunes, réforme des retraites, procréation médicalement assistée – PMA – pour toutes, loi sur la sécurité globale et j'en passe, les Français ont battu le pavé. C'est normal, c'est un droit fondamental, un droit qui permet à notre démocratie de s'exprimer et c'est tant mieux. Malheureusement, ce droit est trop souvent piétiné par des voyous qui infiltrent les manifestations et détruisent tout sur leur passage : vitrines de magasins éventrées, mobilier urbain vandalisé, forces de l'ordre agressées et manifestants trop souvent pris à partie. Partout où ils passent, c'est chaos et guérilla urbaine. Le pire, dans tout cela, c'est qu'ils sont connus : ils s'appellent black blocs, antifas ou délinquants au casier judiciaire bien fourni, et pourtant, chaque semaine, ils recommencent et les Français n'en peuvent plus.

Face à ce constat, il faut agir, agir enfin, parce qu'il est grand temps d'être du côté des commerçants, qui refusent dorénavant d'être pillés, des Français, qui veulent pouvoir s'exprimer et faire entendre leur voix sans craindre de se faire récupérer, ou des policiers qui sont à bout à force de se faire agresser à coups de cocktails Molotov et autres barres de fer ou pavés sous lesquels se trouverait prétendument la plage.

Agir, c'est ce que fait cette proposition de loi courageuse défendue par notre collègue Pascal Brindeau. Il le fait sans faux-semblants pour protéger le droit de manifester en choisissant de se placer en amont des violences qui pourraient advenir, pour couper, en quelque sorte, l'herbe sous le pied des individus dont il est à craindre qu'ils pourraient nuire à l'ordre public et donc, naturellement, au bon déroulement des manifestations. Et je souscris tout à fait à cette logique.

Je ne peux que regretter que cette proposition de loi ait été rejetée d'un revers de la main par la majorité en commission. Même les amendements rédactionnels n'ont pas trouvé grâce à vos yeux. Avouez tout de même que le « circulez, il n'y a rien à voir », a du mal à passer, quand chacun d'entre nous garde à l'esprit les scènes de violence inouïes qui défigurent trop souvent les cortèges de manifestants et qui donnent, en même temps, à la France, à notre France, une image déplorable car symbole de son impuissance à neutraliser quelques centaines d'individus violents, ultraviolents.

Parce qu'un certain nombre d'entre nous sommes conscients que le droit de manifester ne peut être dissocié du devoir de l'État d'assurer la sécurité de tous, il est temps de renforcer la législation. Face au phénomène des black blocs, les interdictions judiciaires et les mesures d'identification ne suffisent plus. Aussi est-il de notre devoir de compléter l'arsenal juridique à disposition des forces de l'ordre et de l'autorité administrative, pour montrer enfin un peu d'efficacité. Soyons clairs, il ne s'agit pas d'empêcher de braves citoyens de manifester mais bien de lutter contre cette véritable guérilla urbaine menée par des bandes organisées pour terroriser tous ceux qui veulent manifester dignement et pour casser qui du flic, qui des vitrines, qui du mobilier urbain.

La présente proposition de loi a le mérite de prendre à bras-le-corps l'important sujet de la violence dans les manifestations. C'est un texte équilibré qui répond de manière ferme à ce phénomène qui exaspère les Français, tout en prenant en compte les objections prononcées par le Conseil constitutionnel à l'article 3 de la proposition de loi initialement présentée par le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau.

Le rapporteur l'a rappelé en commission et à nouveau ce soir : dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne remettait pas en cause le principe de l'interdiction de manifester lors de menaces d'une particulière gravité pour l'ordre public, mais bien seulement les modalités de son application. Ce texte y remédie et je vous avoue que, pas plus que cet après-midi avec la proposition de loi sur les mineurs non accompagnés, je ne comprends ceux d'entre vous, Gouvernement en tête, qui sont défavorables à ce texte. Il ne faudrait donc rien faire et subir la loi de ces casseurs sans réagir ? Je suis et je reste des plus attentives à la protection de nos libertés fondamentales, mais s'il s'agit de mettre en balance deux libertés, je préfère protéger celle des citoyens respectueux de la loi plutôt que celle des casseurs. Aussi, chers collègues, madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, un peu de courage : votons ce soir cette proposition de loi nécessaire, évidente et pertinente.

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