Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 1er mars 2021 à 16h00
Travaux de l'assemblée nationale en période de crise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Apporter des modifications au règlement de notre assemblée n'est pas un sujet qui passionne hors de cette enceinte : vu de l'extérieur, cela s'apparente à de l'intendance organisationnelle – une intendance organisationnelle néanmoins cruciale puisque les règles qu'elle fixe déterminent la manière dont la démocratie s'organise.

Avec la présente proposition de résolution, nous sommes invités à inscrire dans le règlement de l'Assemblée nationale un mode d'organisation propre aux temps de crise. C'est indispensable. Toutes les grandes organisations en ont un, il était donc indispensable que notre assemblée codifie dans son règlement un fonctionnement pour les temps de crise. Je salue à ce titre la démarche du président Ferrand, qui fut ensuite engagée par le vice-président Waserman.

Force est de le constater, depuis maintenant près d'un an, nous tâtonnons, qu'il s'agisse de la présence réduite des députés dans l'hémicycle, nécessaire mais évidemment source des frustrations, ou du vote des amendements, qui, de facto, n'est plus effectif pour nos collègues qui ne peuvent être présents, non pas parce qu'ils ne le veulent pas, mais parce qu'ils ne le peuvent pas au regard de la jauge sanitaire.

Malgré ces tâtonnements, notre assemblée fait partie des parlements qui n'ont jamais arrêté de siéger et qui, sans doute, ont peut-être même le plus siégé pendant la crise sanitaire. Ainsi, certains parlements ont limité leur session à l'examen de textes d'urgence, voire même ont tout simplement cessé de siéger.

Dans la proposition de résolution, vous proposez trois dispositifs. Le premier permet aux députés absents de participer aux débats. Le deuxième, sur lequel je reviendrai, ouvre la possibilité du vote à distance pour certains types de scrutins très limités.

Enfin, vous proposez une boîte à outils bienvenue qui permettra d'adapter les différents outils mis à la disposition des députés, comme les questions écrites ou les contributions écrites, afin de faire face aux crises futures.

Parce qu'il me paraît indispensable qu'un régime d'exception ne s'éternise pas, je vous ai proposé, lors de la conférence des présidents du 12 novembre 2020 – vous l'avez rappelé tout à l'heure – , de faire en sorte que chaque restriction des droits des parlementaires soit encadrée. Il n'a pas été possible de le faire en prévoyant une saisine du Conseil constitutionnel, mais vous avez introduit une clause de revoyure obligatoire par la conférence des présidents, tous les quinze jours à compter de l'adoption de telles mesures ; je vous en remercie, monsieur le rapporteur, et je pense que cette solution est satisfaisante.

Il s'agit cependant de règles d'exception qui comportent des risques pour notre démocratie. Je voudrais ici en mentionner quelques-uns.

En premier lieu, selon la proposition de résolution, la décision d'adapter les modalités de participation et de vote des députés reviendrait à la conférence des présidents : de fait, elle reposerait essentiellement sur le groupe majoritaire. Peut-être aurions-nous pu la conditionner à une approbation à la majorité qualifiée des groupes, comme cela a été dit tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, la clause de revoyure nous permettra de mener à bien un suivi très précis en la matière.

Un second point me chagrine un peu plus ; il a trait à l'absence de solutions permettant un véritable vote à distance, en particulier le vote électronique. Certes, vous l'avez rappelé, votre proposition de résolution le rend possible pour deux types de scrutin, sur décision de la conférence des présidents : les votes solennels sur l'ensemble d'un texte, ainsi que ceux portant sur une déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution. Seraient donc exclus les votes sur les amendements et sur les articles des textes en discussion. Or il faut bien admettre que l'essence de notre travail parlementaire réside dans ce type de votes. Sur ce point, vous ne formulez pas de proposition concrète et nous le regrettons.

Pourtant, le vote à distance est pratiqué dans plusieurs parlements en Europe, notamment dans le cadre de cette crise. Par exemple, au début de la crise, la chambre des représentants belge a modifié dans l'urgence son règlement pour permettre le vote à distance en commission, soit à main levée – en visioconférence – , soit par un vote nominal réalisé verbalement à l'aide d'un logiciel de visioconférence.

Monsieur le rapporteur, je vous entends déjà me dire que la Constitution ne le permet pas. Néanmoins, je persiste à penser que l'Assemblée nationale doit rapidement s'atteler à rendre possible un tel dispositif.

Nous sommes bien entendu conscients de la difficulté qu'il y a à adapter notre règlement en période de crise : il s'agit de trouver un compromis entre l'exigence de protection face à des circonstances exceptionnelles et la nécessité de continuer à exercer la démocratie. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés n'a pas déposé d'amendements sur votre proposition de résolution et la votera.

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