Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 15h00
Protection des mineurs victimes de violences sexuelles — Après l'article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Je veux dire à mes collègues que le débat sur l'imprescriptibilité a déjà eu lieu en 2018 et que j'ai beaucoup de respect pour eux, même si je ne partage pas leur opinion. Je sais combien tout cela part d'une bonne intention.

Je suis opposé à l'imprescriptibilité pour plusieurs raisons. D'abord, depuis 2018, nous avons instauré des délais dérogatoires pour protéger davantage les victimes sur lesquelles des faits ont été commis lorsqu'elles étaient mineures, puisqu'elles peuvent désormais porter plainte jusqu'à l'âge de quarante-huit ans.

Ensuite, comme cela a été dit, il y a un phénomène de déperdition des preuves. Soixante ans après, il est très difficile pour les enquêteurs et la justice de faire leur travail, dès lors que les éléments de preuve n'existent plus.

L'imprescriptibilité ferait naître un terrible sentiment d'injustice dans l'esprit de la victime, autorisée à porter plainte mais à qui la justice ne pourrait donner donnera pas raison. Déposer plainte en effet ne signifie pas procès pénal. Il y a un risque de classement sans suite ou d'ordonnance de non-lieu. De quoi alimenter l'idée que, la justice n'apportant pas de réponse à la victime, elle ne fait pas son travail, alors qu'en réalité elle ne dispose plus des éléments pour le faire.

S'agissant de la question de la proportionnalité, comme l'a rappelé le garde des sceaux, l'imprescriptibilité est réservée aux crimes contre l'humanité. Si on ouvrait une dérogation pour les infractions sexuelles sur mineurs, demain on voudrait l'étendre aux actes de terrorisme ou à d'autres crimes, ce qui aboutirait à une banalisation des crimes contre l'humanité.

La véritable question est de savoir comment aider les victimes à déposer plainte le plus rapidement possible. Pour cela, il faut libérer la parole, il faut que les sévices soient constatés le plus rapidement possible pour que la justice puisse faire son travail. C'est un leurre, un mensonge, de faire croire aux victimes qu'elles auront soixante ans pour porter plainte.

Enfin, beaucoup d'associations nous disent que la prescription peut constituer une forme de libération. À l'approche de la prescription, certaines victimes seront incitées à porter plainte pour obtenir un procès ; d'autres verront la prescription au contraire comme un moyen de pouvoir parler en évitant l'épreuve d'un procès pénal.

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