Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Lutte contre la maltraitance animale — Présentation

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

… des esprits de lettres et de sciences, ont évoqué et questionné, depuis des siècles, la relation de la société humaine avec les animaux vivants, en particulier les animaux domestiques. Kant, Vinci, Diderot, Hugo : tous se sont interrogés sur la relation de notre société avec les animaux de compagnie.

Mais, à la différence des pays anglo-saxons, la France a pris beaucoup de retard sur ce sujet. Cela explique également qu'elle reste mauvaise élève, notamment en matière d'abandon des animaux de compagnie, alors que le rapport de la société aux animaux de compagnie a beaucoup évolué au fil des siècles, connaissant parfois des tournants, pour devenir un sujet fortement débattu au XXIe siècle. Bien sûr, les termes du débat sont parfois mal posés, ce qui entraîne des amalgames. Ainsi, confondre lutte contre la maltraitance et bien-être peut générer des incompréhensions qui, bien souvent, mènent dans des impasses. Or, si le bien-être des animaux s'accompagne, la maltraitance, elle, se condamne et se combat. C'est d'ailleurs bien de cela dont nous allons parler cette semaine, avec une forte volonté de sensibiliser, d'accompagner et, lorsque cela est nécessaire, de sanctionner.

Le combat contre l'abandon des animaux de compagnie et des équidés nous réunit aujourd'hui ; il s'agit d'un combat commun et transpartisan, fondé sur des valeurs partagées. Un animal n'est ni un jouet, ni un bien consommable : en devenir propriétaire entraîne des responsabilités. Qui, dans notre pays, peut accepter que plus de 100 000 animaux de compagnie soient abandonnés chaque année ? Les associations nous ont d'ailleurs indiqué qu'il y en avait bien plus de 100 000. Pour vous donner un ordre d'idée, près de 800 000 animaux de compagnie sont achetés ou adoptés chaque année. Cela veut donc dire qu'en France, il y aurait un animal abandonné pour huit adoptés ou recueillis !

Derrière ces chiffres se cachent des chiens abandonnés sur une aire d'autoroute, sur la route des vacances, des chats laissés dans un ancien domicile à la faveur d'un déménagement, la porte soigneusement fermée derrière soi, ou encore des équidés subissant d'odieux sévices, comme nous l'avons constaté ces derniers mois. Quelle que soit la raison justifiant ces actes, elle n'est pas acceptable. Ce n'est pas ma conception, ce n'est pas la conception que nous avons collégialement du progrès dans une société.

Comme je le disais, un animal de compagnie est une responsabilité : c'est bien vers cette prise de conscience individuelle que nous devons collectivement aller, car si la responsabilité est individuelle, la lutte contre la maltraitance est forcément l'affaire de tous ! À nous, désormais, d'aller au-delà des slogans et des invectives pour trouver des solutions réalistes, applicables et, surtout, efficaces. À nous de trouver ensemble, dans l'hémicycle, les bons curseurs.

Nous ne partons pas d'une page blanche : comme le rappelait Loïc Dombreval, la notion d'être vivant doué de sensibilité a déjà été introduite dans le code civil, mais cette insertion est récente par rapport aux pays anglo-saxons. N'oublions donc pas que l'animal de compagnie était récemment considéré, du point de vue de la classification juridique, comme un bien meuble ou immeuble. Il faut évidemment aller plus loin et agir concrètement avec pragmatisme.

Ainsi, lutter contre l'abandon des animaux de compagnie, c'est avant tout identifier le plus en amont possible les causes amenant les propriétaires à se séparer de leurs animaux. Malheureusement, l'abandon est souvent le reflet d'un achat – ou d'une adoption – impulsif et d'un manque de conscience des responsabilités que la détention d'un animal de compagnie implique : il faut en effet le nourrir et s'en occuper. Il est donc essentiel de sensibiliser davantage nos concitoyens. La lutte contre les achats impulsifs doit figurer en tête de nos priorités : c'est tout le sens du certificat de sensibilisation, dont vous proposez la création et que je soutiens pleinement. Je souhaite également que la vente d'animaux de compagnie soit mieux encadrée.

Au-delà de la sensibilisation, il convient d'accompagner ceux qui agissent : les animaux domestiques maltraités et abandonnés sont recueillis par des refuges et des associations qui effectuent un travail formidable : je tiens à saluer solennellement, devant la représentation nationale, l'engagement de tous ces professionnels et bénévoles dévoués, partout dans le pays.

Ces organismes sont essentiels pour appliquer les politiques publiques liées à la lutte contre la maltraitance animale. Comme vous, j'ai beaucoup échangé avec eux. Je le dis clairement : ils n'ont pas été suffisamment soutenus, en particulier par le ministère dont je suis chargé. C'est pour cela qu'avec le Premier ministre, nous avons décidé, dans le cadre du plan de relance, de flécher 20 millions d'euros vers les structures d'accueil. Ces fonds permettront également de mener des campagnes de stérilisation des animaux errants et de faciliter l'accès aux soins vétérinaires pour les plus démunis, ce qui est très important. D'ailleurs, les dizaines de dossiers reçus quelques semaines après l'ouverture des crédits prouvent combien ces derniers étaient nécessaires. Permettez-moi de remercier les vétérinaires, qui oeuvrent avec nous sur les différentes facettes de l'accompagnement des animaux de compagnie.

Enfin, quand la sensibilisation et l'accompagnement ne suffisent pas, il faut sanctionner. Je le disais, la maltraitance doit être condamnée – nous avons déjà eu l'occasion d'en parler à de multiples reprises. Des avancées ont eu lieu en commission et certains amendements déposés pour la séance publique vont également dans le bon sens.

Je pense sincèrement que, sur un tel sujet, nous devons avancer avec méthode. Dans notre pays, l'évaluation du nombre d'abandons d'animaux de compagnie relève trop souvent d'estimations : on parle de plus de 100 000 animaux abandonnés chaque année, mais ils sont probablement beaucoup plus nombreux. Afin de disposer d'outils de suivi performants, nous avons décidé de financer la création d'un observatoire de la protection animale des carnivores domestiques, qui devrait voir le jour d'ici à 2022. En effet, une politique ambitieuse exige connaissances et suivi : certaines associations ont déjà pris cette voie, sur laquelle nous devons les accompagner et aller plus loin.

En commission, toutes les mesures contenues dans la proposition de loi ont fait l'objet d'un dialogue riche avec le Gouvernement. Les échanges ont permis l'ajout de dispositions qui, pour certaines, manquaient peut-être : certificat de sensibilisation, identification de nouveaux acteurs chargés du contrôle et de l'identification des animaux de compagnies, ou renforcement des sanctions. Les échanges ont également permis de mieux expliquer certaines dispositions. Je ne doute pas que les débats en séance publique se dérouleront dans la même sérénité et avec la même sincérité et volonté d'avancer ensemble et de répondre aux attentes de notre société d'une meilleure prise en considération du bien-être des animaux domestiques.

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