Intervention de Jennifer De Temmerman

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 15h00
Intégration des objectifs de développement durable dans le processus législatif — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJennifer De Temmerman :

En tant que coprésidente du groupe d'études sur les objectifs de développement durable, je souhaite saluer le travail de notre collègue et membre Aina Kuric et je me réjouis de l'occasion qui nous est donnée d'échanger sur le formidable outil qu'est l'Agenda 2030, à l'élaboration duquel la France a participé et sur lequel elle s'est engagée sur la scène nationale et internationale. Une feuille de route a été dévoilée en septembre 2019 ; elle comporte six enjeux prioritaires. Il faut saluer son processus d'élaboration, tant pour la concertation et l'implication de tous les acteurs – je ne souscris pas aux propos qui viennent d'être tenus sur le manque d'implication de la société civile, puisque personnellement, je n'y ai vu que trois parlementaires, contre beaucoup d'associations et de membres de la société civile – que pour la parfaite organisation du Commissariat général au développement durable et en particulier de l'équipe de La France en transition.

Je pourrai reprendre les dix-sept objectifs un par un, et vous rappeler la genèse de l'Agenda 2030, mais je ne le ferai pas, parce qu'aujourd'hui, il s'agit de porter notre regard sur l'avenir de la société. Gardons-nous d'ailleurs d'énumérer point par point un programme qui doit être pris dans sa globalité. C'est sur ce point que porte la seule critique que nous pourrions opposer à la proposition de résolution : celle-ci prévoit que le Gouvernement et les parlementaires fassent mention au minimum d'un objectif de développement durable, alors que l'Agenda 2030 est un programme complet, qui implique la recherche permanente d'équilibre entre tous les objectifs, afin de les concilier.

Une avancée mal réfléchie sur un ODD pourrait avoir des effets catastrophiques sur les autres. Le récent projet de loi sur les néonicotinoïdes en offre un exemple récent. Si nous aurions pu être tentés de voter pour ce texte, au nom du huitième objectif relatif à la croissance économique, ç'aurait été au détriment du troisième objectif « bonne santé et bien-être », du sixième « eau propre et assainissement », du douzième « consommation et production durables », du quatorzième « vie aquatique » et du quinzième « vie terrestre ».

J'aurais donc été plus loin que vous, chère Aina Kuric, en proposant qu'il soit toujours fait référence à plus d'un objectif de développement durable, parce que nous devons toujours garder à l'esprit la synergie nécessaire à l'équilibre fragile du développement durable.

Donner une valeur constitutionnelle à ces objectifs permet d'aller dans ce sens. C'est le but que j'ai moi-même cherché à atteindre dans les quatre propositions de lois que j'ai déposées – deux ordinaires, une organique, une constitutionnelle – , car aucun aspect ne doit être négligé et une loi constitutionnelle ne constituerait nullement un frein à notre travail.

Certains ont rappelé que le respect du développement durable était déjà inscrit dans le bloc constitutionnel. Oui, mais il l'est essentiellement dans la Charte de l'environnement, ce qui est selon moi symptomatique d'une mauvaise compréhension de cette notion, qui a un objet bien plus vaste, et ne conduit certainement pas à opposer écologie sociale et autonomie, malgré les caricatures que certains se plaisent à faire.

Il faut donc établir des mécanismes pour prévenir la facilité des marches arrières, opérées au mépris du principe de non-régression. En donnant aux ODD une valeur constitutionnelle, nous assurerions qu'ils continueront à être pris en considération au-delà de la date de 2030, qui ne marque pas une fin, mais le début de l'avènement d'un monde plus durable, qu'il nous faudra toujours chercher à préserver.

C'est notre rôle de parlementaires. En 2019, dans le rapport sur la mise en oeuvre des objectifs de développement durable que j'ai rédigé dans le cadre de mes fonctions à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai souligné le rôle primordial des parlements nationaux pour contribuer à la réalisation des ODD. De fait, si la mise en oeuvre de l'Agenda requiert l'implication et le soutien de l'ensemble des acteurs, nous avons un rôle particulier à jouer, dans chacune de nos fonctions – élaborer les lois, voter le budget, contrôler l'action du Gouvernement et représenter les électeurs.

S'il est rare que l'adoption d'une nouvelle législation suffise à apporter une réponse politique complète et atteindre les ODD, c'est souvent une première étape essentielle de l'action.

Par ailleurs, pour que les ODD puissent trouver une traduction concrète, il est essentiel de passer par l'élaboration d'un budget, qui ne soit pas seulement vert, mais qui prenne systématiquement en considération les ODD. Je suis d'ailleurs ravie d'apprendre que mes collègues du groupe Les Républicains partagent cette opinion, et je les invite à signer les amendements que je dépose en ce sens – j'en ai signé de nombreux depuis deux ans.

Quant à notre fonction de contrôle, elle nous donne les moyens de demander des comptes au Gouvernement.

Enfin, notre fonction de représentation nous permet de diffuser dans les territoires la connaissance de l'Agenda 2030.

Vous l'avez compris, nous avons beaucoup à faire pour contribuer à l'Agenda, qui n'est pas une construction technocratique incompréhensible par les citoyens. Il a été pensé, mûri, à la suite des objectifs du millénaire pour le développement des Nations unies, pour toutes les parties prenantes, afin que chacun prenne part à la construction d'un monde meilleur ; il traduit des droits inaliénables, universels. Il y aurait donc un sens à les inscrire dans la Constitution, au même titre que la Déclaration de 1789.

Pour toutes ces raisons, et parce qu'il est conscient du rôle que nous devons jouer pour l'avenir, le groupe Libertés et territoires votera pour ce texte.

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