Intervention de Alain Ramadier

Séance en hémicycle du lundi 23 novembre 2020 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Ramadier :

C'est dans un contexte aussi particulier que difficile pour notre pays que nous examinons aujourd'hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Les ambitions ne manquent pas, les dépenses sans financement non plus.

Après trois PLFSS pour le moins décevants, une crise des gilets jaunes d'une ampleur inédite, des manifestations de soignants régulières entre l'automne 2019 et le printemps 2020, le tout suivi d'une crise sanitaire d'une gravité inouïe ayant abouti au Ségur de la santé, le budget de la sécurité sociale pour 2021 était censé être historique – c'est en tout cas en ces termes que ce texte a été présenté par le Gouvernement à la représentation nationale. On parle d'un texte inédit, extraordinaire, comportant les réformes les plus ambitieuses de cette année. Il s'agit plus d'éléments de langage que d'une réalité tangible. Les Français le savent, le ressentent et ne manquent pas de nous interpeller quotidiennement à ce sujet. Ils sont légitimement très inquiets et attendent toujours des mesures fortes, à la hauteur des problèmes qui terrassent notre société.

L'inquiétude est d'autant plus vive que le déficit des comptes sociaux est abyssal. La raison en est simple : l'épidémie de covid-19 a engendré des dépenses considérables, à mettre en regard des pertes de recettes provoquées par la chute de l'activité économique et par une masse salariale en berne. Ajoutons que les prévisions économiques et de croissance sont difficiles à calculer puisque depuis plusieurs mois, la France vit constamment dans une incertitude totale. Nous vivons un deuxième confinement et nul ne peut hélas exclure que des mesures extrêmes ne rythmeront plus notre quotidien dans les mois à venir. Incertitude, absence de projection et d'anticipation : voilà désormais l'unique feuille de route à laquelle les Français sont soumis dans le plus grand des désarrois. La rigueur et l'honnêteté nous imposent de dire et d'être conscients que ce déficit, aussi abyssal que vertigineux, sans aucun plan de financement solide, ne signifie qu'une seule chose : reposer nos dépenses toujours plus importantes sur la dette, encore et toujours. C'est ce qui a été prévu en organisant notamment dès le mois de juin la reprise de la dette sociale par la CADES – caisse d'amortissement de la dette sociale– qui, rappelons-le, est financée par la CSG et par la CRDS.

D'autre part, le PLFSS prévoit 12,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires et nouvelles, hors covid-19, pour donner suite aux conclusions du Ségur de la santé, et 4,5 milliards d'économies. Autrement dit, les dépenses supplémentaires s'élèveront à 8 milliards d'euros et comprendront notamment les revalorisations salariales ainsi qu'un plan d'investissement.

Ne nous y trompons cependant pas : nous étions favorables aux revalorisations des salaires des professionnels de santé, qui étaient incontestablement nécessaires, tout comme le plan d'investissement dont, il faut bien le dire, la mise en place n'a que trop tardé. En revanche, il n'y a aucune satisfaction à tirer du fait que toutes ces mesures ne sont financées que par la dette et par le déficit. À terme, cette absence de rigueur budgétaire risque d'affaiblir notre modèle social. N'omettons pas non plus la question de l'allocation des moyens à répartir entre les différents secteurs – public et privé, ville et hôpital – , qui reste entière.

Autre manquement : la médecine libérale est oubliée. Les professionnels s'accordent pourtant à dire que pour réformer le système de santé, il est impératif de décloisonner la ville et l'hôpital afin d'améliorer les parcours de soins et de réaliser des économies. Cette question reste en suspens.

Je note les avancées votées par le Sénat, qui sont les bienvenues : l'obligation de réunir une conférence des financeurs sur l'autonomie, la pérennisation du dispositif d'exonération TODE, la création d'un statut de junior-entrepreneur, les dispositifs relatifs à la fixation des prix des médicaments ou encore de nombreux articles adoptés sur la lutte contre la fraude sociale. De même, le Sénat a largement critiqué le texte en première lecture en raison de son manque de sincérité budgétaire, d'ambition et surtout de vision dans tous les domaines.

En commission, ces avancées du Sénat ont fait l'objet d'amendements de suppression qui risquent d'être adoptés définitivement. S'ils l'étaient, nous continuerions à nous opposer à ce texte.

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