Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du mercredi 28 octobre 2020 à 15h00
Accélération et simplification de l'action publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Un mois jour pour jour après son passage à l'Assemblée en première lecture, nous voici réunis pour adopter – ou pas – le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique tel qu'il est issu de la CMP conclusive. Cette loi ASAP – un acronyme qui, en anglais, signifie « aussi vite que possible » – n'aura donc jamais aussi bien porté son nom. Pourtant, la variété des sujets abordés, qui vont des éoliennes aux polices d'assurance en passant par l'organisation de l'ONF, aurait sûrement mérité que l'on s'y attarde un peu plus longuement, eu égard aux changements parfois profonds qu'elle implique – je pense tout particulièrement aux procédures environnementales.

Ce texte laisse l'amère impression que vous avez saisi l'occasion de la crise sanitaire, qui accapare l'attention de tous, pour faire passer en catimini tout un tas de mesures rétrogrades pour l'environnement, pour la démocratie participative et, en fin de compte, pour les Français. La mouture du texte qui nous est proposée ce soir diffère très peu de la version adoptée le mois dernier contre l'avis du groupe GDR : la seule nouveauté notable est la création de nouveaux livres dans le code de la commande publique, contenant des dispositions applicables en cas de circonstances exceptionnelles.

Certes, on peut apprécier les quelques mesures-témoins qui vont simplifier la vie des Français. On retiendra en particulier la simplification des démarches pour l'obtention des papiers d'identité ou du permis de conduire. De même, deux ou trois mesures pourront être bénéfiques à nos PME et artisans. Je pense notamment à l'extension à tous les marchés globaux – comprenant les marchés de conception-réalisation, les marchés sectoriels et les marchés de performance, et non plus le seul marché de partenariat, comme c'est le cas actuellement – de l'obligation de réserver une partie de l'exécution aux petites entreprises.

Les membres du groupe GDR ont remporté quelques jolies victoires, que ce soit en faisant supprimer les articles 16 ter, 26 bis, 38 et 42 ter, ou au sujet des délégations parlementaires à l'outre-mer, des assurances ou de la remise en état des sites miniers. Personnellement, je me félicite d'avoir secoué le cocotier en commission spéciale et d'avoir ainsi permis l'accélération du calendrier de la réforme du code minier, une mesure toujours promise, mais toujours repoussée depuis 2011. Or, cette réforme qui ne semble pas beaucoup intéresser le Premier ministre est primordiale pour la Guyane : outre que la mine représente encore le troisième secteur de notre économie, avec des retombées trop faibles, la législation minière ne répond plus aux dernières exigences en matière environnementale et de démocratie participative. Je salue donc l'engagement de Mme la ministre de la transition écologique et celui du ministère des outre-mer sur qui, je l'espère, nous pouvons compter pour faire aboutir un texte qui permettra de concilier au mieux sécurisation de la filière et protection de notre patrimoine naturel.

Ici s'arrête la liste des motifs de satisfaction, qui reste bien maigre comparée aux raisons de s'inquiéter. Comment cautionner un texte qui, sous couvert de « renforcer la sécurité juridique des porteurs de projets industriels », s'en prend violemment aux principes de démocratie participative et de protection des intérêts environnementaux ? En réalité, ce texte nous fait reculer de deux décennies, rien de moins ! Vous auriez pu, madame la ministre, madame la ministre déléguée, vous atteler à faciliter l'accès des citoyens les plus fragiles à leurs droits et à mettre fin aux lourdeurs administratives qui pénalisent ceux d'entre nous qui ont le plus besoin d'être aidés. Vous auriez pu essayer de soutenir davantage les petites entreprises, afin qu'elles bénéficient des mesures d'accompagnement accaparées par les gourmandes multinationales qui règnent sans partage. Mais non ! Au contraire, vous avez préféré affaiblir l'action de l'État et déréguler toujours plus au service des intérêts financiers.

Concrètement, ce texte qui fragilise les procédures de consultation du public va permettre aux industriels de commencer des travaux pouvant nuire à l'environnement avant même l'obtention des autorisations préalables. Ainsi, pour certains projets, le préfet pourra choisir de façon tout à fait arbitraire entre une enquête publique et une procédure de participation. Que dire, par ailleurs, du seuil des formalités de passation des marchés publics de travaux, relevé à 100 000 euros ? Comme on peut l'imaginer, c'est évidemment la porte ouverte à toutes les dérives… De même, le fait d'ajouter l'intérêt général comme cas de recours à un marché de gré à gré permettra à coup sûr aux acheteurs publics de décider eux-mêmes de déroger aux procédures, étant donné la largeur du champ ouvert par l'interprétation de la notion même d'intérêt général.

Vous êtes allés jusqu'à profiter d'un amendement de nos collègues normands, qui réclamaient plus de transparence sur les risques industriels, pour renforcer le droit au secret des affaires… Il fallait y penser ! Ceux qui avaient encore quelques illusions sur votre volonté de servir l'intérêt général ont compris, en apprenant que ces mesures ont immédiatement été saluées par la direction nationale du MEDEF, qu'ils devaient s'en défaire. Il y a de quoi être inquiet car, loin de sécuriser les porteurs de projet, les mesures que vous proposez auront pour effet d'augmenter les tensions déjà vives entre les industriels et une population qui voit sa santé et son environnement toujours plus menacés. Pour toutes ces raisons, les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine refusent de cautionner cette entreprise de destruction des garde-fous mis en place par les législateurs qui nous ont précédés.

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