Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mardi 15 septembre 2020 à 15h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

La crise sanitaire, économique et sociale que nous allons traverser frappera nos concitoyens les plus fragiles. Le chômage risque d'exploser, comme en témoignent des chiffres alarmants : 715 000 emplois ont été détruits début 2020, et près de 1 million de nouveaux chômeurs sont attendus en début d'année prochaine. Pourtant, madame la ministre, la réforme de l'assurance chômage, qui durcira les conditions d'accès aux allocations, s'appliquera dès le mois de janvier. Il en ira de même de la réforme de l'aide personnalisée au logement – la ministre déléguée chargée du logement vient de l'annoncer au congrès des HLM – , qui déstabilisera de nombreux ménages ; alors que cette aide aurait besoin d'être augmentée, elle baissera encore.

En outre, rien n'est prévu dans le plan de relance pour lutter davantage contre la pauvreté : il ne comporte aucune mesure de soutien aux ménages – ou si peu – ni aux bénéficiaires de minima sociaux, pas plus que des mesures favorisant l'accès au logement ou aux soins ; le soutien qu'il accorde aux associations est très limité, tandis que les grands chantiers de la stratégie de lutte contre la pauvreté sont au point mort. Quid du service public de l'insertion ou encore du revenu universel d'activité, lequel pourrait lutter contre le non-recours aux aides sociales et protéger les moins de 25 ans qui, comme nous le savons, ne disposent toujours d'aucun filet de sécurité financier ? Par ailleurs, l'ensemble des associations dénoncent la disparition du secrétariat d'État dédié à la lutte contre la pauvreté ; elles n'ont plus d'interlocuteur, au Gouvernement, avec qui discuter de la globalité de ces sujets. L'insertion professionnelle, aussi importante soit-elle, ne saurait être le seul prisme de la lutte contre la pauvreté.

Des avancées sont certes à saluer – petits-déjeuners gratuits dans certaines écoles, mesures encourageant les crèches à accueillir des enfants de familles défavorisées, obligation de formation jusqu'à 18 ans – , mais elles représentent si peu comparées à la centaine de milliards d'euros dont bénéficieront les entreprises de manière indistincte ! Rien n'est de nature à nous protéger l'hiver de précarité qui s'annonce.

Les jeunes et les indépendants, les plus précaires d'entre nous, sont les plus directement menacés et risquent d'être entraînés dans la spirale du chômage de longue durée. Or les conséquences d'un éloignement durable de l'emploi peuvent être désastreuses : la désocialisation, la perte de logement et la précarisation rendent d'autant plus difficile le retour à l'activité.

Dans ce contexte, l'action en faveur de l'insertion par l'activité économique doit être une priorité absolue, et le dispositif « territoires zéro chômeurs de longue durée », dont la première expérimentation a été votée à l'unanimité en 2016, est un premier pas significatif. Le groupe Écologie, démocratie, solidarité, qui a fait de sa généralisation l'une de ses quinze priorités, le votera. En partant du principe que nul n'est inemployable, et que ni le travail ni l'emploi ne manquent, ce texte inverse la donne en matière de lutte contre le chômage, et pose les jalons d'un retour à l'emploi pour le plus grand nombre. En misant sur une exhaustivité territoriale, sur des embauches non sélectives et sur la qualité de l'emploi, le dispositif se donne les moyens de produire une insertion de qualité ; il est donc temps de le déployer largement. Dans ce domaine, les efforts prévus par le texte sont trop limités. Le passage de 10 à 40 puis à 60 territoires constitue certes une avancée, mais en réalité, ce plafond n'a pas lieu d'être : l'ensemble des territoires qui correspondent aux critères fixés par le cahier des charges devraient pouvoir se porter candidats.

Plusieurs autres dispositions méritent d'être renforcées. Le groupe Écologie, démocratie, solidarité demande ainsi que les jeunes de moins de 26 ans soient inclus dans l'ensemble des dispositifs d'insertion prévus par le texte. Nous nous appuyons en cela sur les travaux d'Éric Heyer, économiste à l'OFCE – Observatoire français des conjonctures économiques – , qui regrette que le plan de relance ne concerne pas les jeunes de moins de 26 ans. L'arrivée de 750 000 jeunes sur un marché du travail particulièrement dégradé nous impose de prendre des mesures spécifiques et extrêmement fortes, sans quoi les moins qualifiés et les plus en marge seront laissés de côté et connaîtront une situation particulièrement difficile, puisqu'ils n'auront accès à aucun revenu minimal.

Aujourd'hui déjà, de très nombreux jeunes ne trouvent pas d'emploi stable après avoir été suivis dans un chantier ou une entreprise d'insertion ; la crise actuelle en augmentera le nombre. Nous proposons donc d'ouvrir le CDI d'inclusion aux moins de 26 ans. Loin de les enfermer indéfiniment dans un parcours d'insertion, cela sécurisait ceux qui en ont besoin durant plusieurs années, leur offrirait une première expérience solide et leur éviterait des ruptures de parcours difficiles à rattraper. Cet effort est d'autant plus nécessaire que le plan de relance n'accorde aucune mesure spécifique à ces jeunes, en particulier aux plus isolés et aux moins qualifiés. Il est illusoire de croire que tous les jeunes pourraient trouver du travail s'ils le souhaitaient, et que les exonérations de charges des entreprises suffiront à résoudre tous les problèmes. Nous estimons donc que le CDI d'inclusion doit être ouvert aux plus jeunes.

Afin d'assurer une représentativité effective des acteurs de terrain au sein des comités locaux, nous proposons d'élargir ces derniers aux personnes ayant bénéficié de l'expérimentation et aux préfets de département. Les deux amendements que nous défendrons à cette fin visent à intégrer des mécanismes participatifs dans les prises de décision, revendication forte de nos concitoyens – la crise des gilets jaunes l'a démontré – à laquelle notre groupe est particulièrement attaché. L'association avec les acteurs de terrain, et tout particulièrement avec les bénéficiaires, doit devenir la règle dans l'élaboration de toute politique publique, singulièrement en matière de lutte contre l'exclusion ; elle participe d'une nouvelle vision, plus inclusive et démocratique, de la société.

Le groupe Écologie, démocratie, solidarité votera donc ce texte. Toutefois, madame la ministre, chers collègues, ne perdons pas l'une des rares occasions de cette rentrée parlementaire de faire plus et mieux pour nos concitoyens les plus précaires, qui en auront tant besoin, et efforçons-nous d'améliorer encore les dispositifs qui y contribuent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.