Intervention de Jérôme Lambert

Séance en hémicycle du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Débat sur la pénurie de médicaments en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert :

Si le groupe Socialistes et apparentés a choisi de mettre le thème de la pénurie de médicaments à l'ordre du jour de la semaine de contrôle, c'est parce que, depuis 2017, nous vous alertons. En trois ans, nous n'avons obtenu quasiment aucune réponse.

Le 13 décembre 2017, la présidente de notre groupe, Valérie Rabault, a adressé un premier courrier à la ministre des solidarités et de la santé qui s'est contentée d'un accusé de réception. En avril 2018, elle a de nouveau interrogé le Gouvernement, sans effet. En février 2019, en réponse à une question orale sans débat, le secrétaire d'État auprès de la ministre, Adrien Taquet, a reconnu le problème, sans y apporter de solution. Face à ce silence, le 19 juin 2019, Valérie Rabault a interrogé directement le Premier ministre lors des questions au Gouvernement. C'est presque à cette même date, en juillet 2019, qu'il a été décidé de réfléchir à un plan.

Bien évidemment, la pénurie n'est pas récente, notre pays la subit depuis plusieurs années. C'est pourquoi nous regrettons votre attentisme depuis trois ans sur ce sujet majeur alors que tous les indicateurs étaient au rouge.

En 2018, l'ANSM a ainsi recensé 868 signalements de rupture de stock et de risque de rupture pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, soit une hausse de 62 % par rapport à 2017. Comme le rappelle l'ANSM, l'indisponibilité de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur peut poser un problème de santé publique majeur. Pour mémoire, 44 signalements avaient été rapportés en 2008. Ainsi, en dix ans, le nombre de signalements a été multiplié par vingt. Tous les territoires sont concernés par les ruptures de stock ou les tensions d'approvisionnement. Au total, un Français sur quatre a ainsi déjà été confronté à la pénurie, c'est-à-dire à une difficulté ou à une impossibilité d'approvisionnement auprès d'une pharmacie dans un délai de soixante-douze heures.

Si le phénomène n'est pas récent, la crise du covid-19 a révélé au grand jour notre fragilité et celle de l'Europe, en faisant apparaître des tensions d'approvisionnement sur certains médicaments essentiels pour la prise en charge des patients en réanimation, comme les curares ou le midazolam.

La prise de conscience est là, il faut maintenant passer à l'action.

Le 19 septembre 2019, le Premier ministre a confié à M. Jacques Biot, ancien président de l'école Polytechnique, une mission visant à analyser les causes profondes de la situation, notamment les choix industriels. Le rapport a été rendu le 4 février dernier. Ma première question est donc simple : comptez-vous publier les conclusions de celui-ci. Nous voulons bien croire que la crise du covid-19 a retardé la publication, mais nous n'aimerions pas croire que si le rapport n'a pas été rendu public, c'est parce que vous n'en partagez pas les conclusions.

Nos autres questions sont les suivantes : vous engagez-vous à publier une cartographie précise des médicaments victimes de pénurie et de ceux menacés de rupture d'approvisionnement ?

Cette question a pour corollaire la nécessité d'instaurer un réel pilotage des pénuries de médicaments par l'ANSM afin d'identifier en amont et d'anticiper les éventuelles ruptures de stock et d'approvisionnement.

Pouvez-vous préciser les causes de chacune des pénuries ? Sont-elles liées à un problème d'accès aux matières premières ou de production ?

Ensuite, s'agissant de la stratégie à venir, la relocalisation en France et en Europe de la production de certains types de substances actives et de médicaments finis apparaît comme une nécessité absolue.

Selon l'Agence européenne du médicament, près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l'Union européenne proviennent de pays tiers, et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l'Union. Aussi, pouvez-vous nous préciser la manière par laquelle vous comptez procéder : quelle filière prioritaire pensez-vous choisir pour démarrer cette relocalisation ?

Enfin, il nous semble important de revoir le dimensionnement des appels d'offres des hôpitaux pour l'achat des médicaments. Les hôpitaux privilégient des appels d'offres de grande taille, portant sur de grandes quantités de médicaments. Si cette logique permet une rationalisation des coûts, elle a également pour conséquence de restreindre le nombre d'entreprises à même d'y répondre, ce qui peut engendrer des difficultés d'approvisionnement en cas de défaillance du titulaire du marché. À cet égard, il nous paraîtrait nécessaire de tendre vers des appels d'offres de taille plus modeste et multi-attributaires, afin de favoriser des approvisionnements auprès de plusieurs fournisseurs de façon à les sécuriser. Pouvez-vous nous préciser vos intentions en la matière ?

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