Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du jeudi 14 mai 2020 à 9h00
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Présentation

Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des membres de la commission spéciale chargée d'étudier ce texte pour la qualité des débats et des échanges, et pour le travail d'ores et déjà réalisé en commun. Je voudrais en particulier saluer la présidente Nathalie Elimas, ainsi que Guillaume Kasbarian pour l'important travail de coordination qu'il a mené en tant que rapporteur.

Notre pays sort progressivement du confinement : certains de nos enfants ont repris le chemin de l'école ; des commerces longtemps fermés ont rouvert leurs portes ; des salariés, qui étaient en télétravail ou en chômage partiel, ont pu rejoindre leur entreprise. Mais ne nous y trompons pas : ce n'est pas parce que nous reprenons quelque chose qui ressemblerait à une vie normale que la crise est derrière nous. Son ampleur est telle que ses conséquences seront lourdes, durables et diverses, pour nos concitoyens, nos entreprises, notre environnement, mais également notre administration.

Nous sortons de deux mois pendant lesquels le temps a été comme suspendu et nous devons continuer de nous adapter et de nous réorganiser, pour assurer au mieux la reprise progressive de nos activités, chacun dans nos domaines respectifs. C'est à ce souci d'adaptation et donc d'agilité, dans un contexte de grandes incertitudes, que répond ce projet de loi. À bien des égards, et à l'image de la situation que nous connaissons, celui-ci est exceptionnel.

Il est exceptionnel, tout d'abord, parce qu'il concerne un très grand nombre de périmètres ministériels, ce qui est assez rare et justifie ma présence parmi vous ce matin – même si plusieurs de mes collègues nous rejoindront au cours des débats. C'est bien parce qu'aucun secteur n'a été épargné par la crise liée à l'épidémie du Covid-19 que tous les ministères sont mobilisés : cette crise est en effet – pour reprendre l'expression de Marcel Mauss – , un fait social total : nul n'y échappe. C'est donc aussi un fait politique total. Je sais que certains regrettent que ce projet de loi soit, selon l'expression consacrée, un texte fourre-tout. Mais je ne suis pas certain que le dépôt de seize textes, soit autant de projets de loi que de périmètres ministériels concernés, eut apporté plus de lisibilité. De plus, organiser le calendrier parlementaire pour permettre leur examen par l'Assemblée nationale et le Sénat eut été une véritable gageure.

Il est exceptionnel, ensuite, dans la mesure où il comportait, avant son examen par la commission spéciale, vingt-huit habilitations à légiférer par ordonnance. Je n'ignore pas la sensibilité particulière qui s'attache au recours à l'article 38 de notre Constitution ; je la comprends d'autant mieux que j'ai été parlementaire, siégeant parmi vous, et qu'il pourrait m'arriver un jour de revenir sur vos bancs.

Le recours aux ordonnances est cependant pleinement justifié par l'incertitude entourant l'évolution de la situation économique, sociale, sanitaire et administrative à court terme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État, dans son avis rendu public, a validé le procédé.

Le Conseil a toutefois relevé que certaines habilitations portaient sur des dispositions législatives brèves dont la rédaction ne posait pas de difficulté ou était déjà avancée. Nous nous sommes donc efforcés, en lien avec le rapporteur, d'inscrire ces dernières « dans le dur » lorsque cela était possible. À son initiative, huit dispositions ont ainsi déjà été incluses dans le projet de loi dès son examen en commission. Elles concernent la mise à disposition d'agents publics, le passage de certains d'entre eux en contrat à durée indéterminée, l'application d'accords d'intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés, le fonctionnement du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ou des fédérations de chasseurs, mais aussi les volontaires internationaux en ambassade, les travailleurs saisonniers ou l'entrée en vigueur de certaines réformes dans le domaine de la justice.

De même, en vue de l'examen du projet de loi en séance publique, nous avons travaillé à y inclure les dispositions relatives à l'expérimentation des cours criminelles, à la réorientation des poursuites pénales, à l'allocation pour demandeurs d'asile, aux contrats courts, au droit à la retraite en cas d'activité partielle ou aux contrats de recherche. Votre assemblée s'en trouvera ainsi davantage éclairée.

Le sort de l'habilitation prévue au troisième alinéa de l'article 1er – qui devait permettre le report, au 1er janvier 2022 au plus tard, de l'entrée en vigueur de certaines réformes devant entrer en vigueur au 1er janvier 2021 – illustre parfaitement la démarche d'écoute du Gouvernement. Je n'ignore pas que d'aucuns jugeaient son champ d'application trop large et craignaient – pour ne pas dire suspectaient – qu'elle ne conduise à prendre du retard en matière de transition écologique ; cette habilitation sera purement et simplement supprimée après que les mesures qu'elle recoupait auront été ajoutées au texte même du projet de loi.

Certains critiqueront un texte dont on ne verrait pas la finalité d'ensemble. Ce sont pourtant des mesures de bon sens qui y figurent. Il s'agit en premier lieu d'assurer la continuité du service public grâce au maintien en service de certains militaires ou encore à l'augmentation du plafond de jours de mobilisation des réservistes de la police nationale. Le projet de loi prévoit aussi de faciliter et de sécuriser, en période de crise sanitaire, la mise à disposition d'agents publics au profit des établissements de santé publics sociaux et médico-sociaux, notamment des EHPAD.

Deuxièmement, le texte contient des mesures destinées à permettre de mener à bien des réformes que vous avez votées. En effet, l'administration a dû suspendre une partie de ses activités en raison du confinement ; en l'absence de travaux préparatoires, des réformes aussi importantes que celles du divorce ou de la justice pénale des mineurs doivent voir leur entrée en vigueur reportée pour pouvoir s'appliquer dans de bonnes conditions. En outre, le redémarrage de l'activité étant progressif, la question du rattrapage de plusieurs dossiers qui n'ont pu être traités pendant la crise se posera. Nous essayons d'y apporter des réponses, notamment en matière pénale.

Troisièmement, le projet de loi permet de faciliter la reprise de la vie économique et sociale tout en s'attachant à maintenir les dispositifs concernant les salariés. C'est la raison pour laquelle il prévoit la prorogation des contrats courts, la simplification du recours au prêt de main-d'oeuvre ou encore la possibilité pour les travailleurs saisonniers déjà présents sur le territoire français d'y demeurer trois mois supplémentaires.

Ce projet de loi offre également plusieurs filets de sécurité. Je pense par exemple à la possibilité de constituer un fonds de soutien pour le secteur de la restauration à partir des contre-valeurs des titres restaurant émis pour l'année 2020. Il contient également des avancées pour les salariés, avec la possibilité d'un intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés, la constitution de droits à la retraite dans le régime de base pour les salariés en position d'activité partielle ou bien encore le maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour une durée pouvant aller jusqu'à six mois après la fin de l'urgence sanitaire.

Certaines dispositions dont l'urgence n'est pas directement corrélée à la crise du Covid-19 ont été placées au sein de l'article 2 ou transformées, en commission, en articles additionnels. Elles sont relatives à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, au statut des volontaires internationaux en ambassade ou encore à la gestion des fonds européens par les régions. Les incertitudes pesant sur le calendrier parlementaire nous ont conduits à privilégier ce vecteur pour vous les présenter.

En effet, l'éventuel report des élections municipales – et donc des élections sénatoriales – impliquerait le dépôt et l'examen rapide de deux projets de loi. De plus, comme l'a dit le ministre de l'action et des comptes publics, nous pourrions avoir besoin d'un troisième projet de loi de finances rectificative, même si la date de son examen dépend évidemment de la reprise des activités économiques. Il faudra aussi soumettre au Parlement des mesures de relance. Enfin, à l'automne, vous le savez comme moi, il n'y a guère de temps à consacrer à autre chose qu'au budget. Ce projet de loi est donc pour nous l'occasion de proposer le nombre limité de mesures dont nous avons besoin.

Je sais que la mesure de trésorerie figurant à l'article 3 suscite toujours des interrogations de votre part. Mais il ne s'agit en aucun cas pour l'État de ponctionner les disponibilités placées sur le compte du Trésor : leurs détenteurs pourront les utiliser à tout moment. C'est le même mécanisme que celui qui est déjà à l'oeuvre pour d'autres entités. Des concertations sont en cours avec les organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public et concernés par la mesure. Il s'agit de permettre à l'État d'améliorer son coût de financement et de réduire sa charge d'intérêts. Toutes les entités publiques en tireront d'ailleurs bénéfice, puisque leur coût d'emprunt est en général fonction du coût de financement de l'État, augmenté d'une prime.

S'agissant enfin de l'article 4, qui concerne le Brexit, des explications vous seront données par Amélie de Montchalin, que je remercie d'être présente dès ce matin.

Telles sont donc les dispositions contenues dans le projet de loi qui vous est soumis. Elles sont commandées par l'urgence et le souci constant du Gouvernement de donner à notre pays les moyens d'affronter les conséquences de la crise et d'une manière générale, l'incertitude. Elles visent à répondre aux inquiétudes et aux besoins des entreprises et des salariés, à préserver l'activité d'organismes essentiels à la vie économique et sociale, à rétablir progressivement le fonctionnement de la justice, ce qui est attendu par les victimes comme par les justiciables, et enfin à satisfaire les besoins des étudiants, pour ne citer que ces quelques exemples.

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