Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du vendredi 17 avril 2020 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Il y a exactement un mois, nous nous trouvions dans cet hémicycle pour débattre du premier projet de loi de finances rectificatif lié à l'urgence de la crise. Le Gouvernement a décidé de nous proposer un second texte, qui possède, lui, une composante budgétaire, ce que nous demandions déjà il y a un mois, tant la situation est grave.

Il y a trois jours, le FMI – Fonds monétaire international – a publié une tentative de prévision de la croissance économique, exercice particulièrement difficile dans le contexte actuel, selon laquelle la production mondiale reculerait de 3 % en 2020 et rebondirait de 5,8 % en 2021, retrouvant ainsi son niveau d'avant la crise. En Europe, en revanche, la production chuterait de 7,5 % en 2020 et ne rebondirait que de 4,7 % en 2021 : selon ce scénario, même à la fin de 2021, nous n'aurions pas retrouvé le niveau de production d'avant la crise.

Pour nous tous dans cet hémicycle comme pour beaucoup de nos concitoyens, la situation est inédite. C'est pourquoi les plans d'urgence doivent tout faire pour limiter le recul envisagé par le FMI. Il sera ensuite temps, et nous prendrons part à cet exercice, de repenser notre modèle économique. Il y a quelque temps, nous avions déjà formulé plusieurs recommandations qui n'ont malheureusement pas été suivies.

Limiter ce recul, c'est faire en sorte que les acteurs économiques tiennent et, pour cela, il faut qu'ils puissent supporter le choc de trésorerie. La garantie de 300 milliards d'euros le permettra en partie.

Mais limiter ce recul, c'est aussi amortir les paiements dus par les acteurs économiques sur du chiffre d'affaires perdu, c'est-à-dire sur des sommes qu'ils n'encaisseront jamais. Nous avions interpellé le Gouvernement, il y a un mois, pour demander l'annulation d'une partie des reports de paiement de cotisations, car on ne peut pas demander à des acteurs économiques de verser des paiements sur un chiffre d'affaires qu'ils ne percevront jamais. Je conviens que ce projet de loi de finances rectificative constitue un premier pas ; néanmoins, nous souhaitons obtenir davantage de précisions, et nous avons déposé un amendement proposant d'aller plus loin.

Au-delà des aspects économiques, évidemment cruciaux, il faut pouvoir continuer de vivre. Nous avions insisté sur ce point il y a un mois en soulignant qu'un budget d'urgence ne pouvait se contenter de donner des garanties et d'accorder des reports d'échéances fiscales et sociales.

Sur ce point, vous nous avez en partie entendus puisque le PLFR 2 prévoit 105 milliards d'euros de mesures budgétaires. Pourtant, là encore, il faut regarder les chiffres précisément. Sur cette somme, 42,6 milliards s'expliquent par des baisses de recettes fiscales ; par conséquent la somme d'argent frais que vous débloquez s'élève à 62,5 milliards d'euros, ce qui ne fait pas tout à fait 100 milliards. Ces 62,5 milliards d'euros se décomposent en tiers : 20 milliards d'euros sont destinés à d'éventuelles nationalisations ; 24 milliards d'euros au chômage partiel ; 18,5 milliards d'euros aux soutiens directs. La justification des 24 milliards d'euros destinés au chômage partiel est parfaitement claire ; en revanche, rien n'est précisé quant au choix de créditer 20 milliards pour d'éventuelles nationalisations : rien. Il faudrait que l'Assemblée nationale vote sur une somme 20 milliards d'euros sans aucune explication ? Soit vous avez des projets précis, auquel cas il serait bon de nous en informer, soit ce n'est qu'une mesure d'affichage, ce qui, au vu de la gravité de la situation, ne serait pas acceptable.

Les députés de mon groupe ont déposé un projet de loi visant à nationaliser deux entreprises – vous avez répondu « non » mais j'espère que vous changerez d'avis – , ce qui coûterait un millième du fonds de 20 milliards d'euros que vous prévoyez.

Ces crédits renvoient à la question de l'État actionnaire. Messieurs les ministres, il est important qu'en tant que représentants de celui-ci dans de nombreuses grandes entreprises, vous fassiez en sorte que celles-ci paient les commandes fermes qu'elles ont passées. Elles ne peuvent pas s'en dédouaner et en reporter la charge sur la trésorerie de leurs sous-traitants.

Par ailleurs, l'urgence alimentaire et sociale représente moins de 2 % du total de 105 milliards d'euros des mesures budgétaires du PLFR 2. Notre groupe a donc proposé plusieurs amendements, notamment en faveur des étudiants et apprentis boursiers, ainsi que de toutes les familles qui n'arrivent plus à se nourrir dans les circonstances actuelles.

Le Président de la République ne peut solliciter l'union nationale alors que le Gouvernement l'abîme en refusant systématiquement toutes les initiatives de l'opposition – avant, bien souvent, de se les approprier pour les mettre en oeuvre trois semaines en retard. Hier, en commission, votre majorité a refusé tous les amendements de l'opposition. Tous !

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