Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 16h00
Système universel de retraite — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Le champ de ces ordonnances couvre aussi bien l'intégration de certains régimes, comme celui des marins, dans le système universel, que les modalités de convergence des cotisations pour les fonctionnaires et les salariés des régimes spéciaux. Ces ordonnances, monsieur le secrétaire d'État, nuisent à la lisibilité de la réforme et minent la confiance : je suis persuadé que vous partagez ce diagnostic au fond de vous-même. L'avis du Conseil d'État, qui juge l'étude d'impact bâclée, renforce la défiance.

L'incompréhension naît aussi des concessions qui, accordées à certains – aux navigants aériens, par exemple – , conduisent le Conseil d'État à parler d'un « système universel avec cinq régimes différents », comprenant des règles dérogatoires.

Plus incompréhensible encore, des négociations sont toujours en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Elles ont eu lieu en parallèle de nos travaux en commission, elles continuent à l'heure où nous parlons et elles se prolongeront, pour certaines d'entre elles, à l'issue de la promulgation de la loi ! Autrement dit, nous avançons dans le noir pour le financement, l'emploi des seniors, la garantie des pensions et des salaires des fonctionnaires, les cotisations des indépendants et la pénibilité, dont certains syndicats demandent, à juste titre, qu'elle soit enfin prise en compte. Il s'agit de sujets essentiels à l'efficacité et l'acceptabilité de la réforme.

Des annonces du Gouvernement, faites pendant nos travaux, ont troublé et apporté de la confusion à ceux-ci, monsieur le secrétaire d'État. Certaines d'entre elles sont de nature à nous rassurer, comme la possibilité, à laquelle Jacques Maire tient beaucoup, d'une retraite progressive à 60 ans. D'autres, en revanche, ne font qu'ajouter de la confusion à la confusion, à l'image de la fameuse introduction d'un indicateur inconnu – nous avons fait des recherches, mais nous ne l'avons toujours pas trouvé – , sur lequel se fondera la valeur du point. Or, dans un système à points, la confiance est celle que l'on a dans la valeur du point, que vous adossez à une donnée qui n'existe pas : encore une preuve d'impréparation !

Comme cela a été dit, nous allons débattre, mes chers collègues, d'un texte qui porte sur près de 350 milliards d'euros, soit 14 % du PIB. Je ne suis pas le seul à m'interroger sur la « faisabilité financière » du projet de loi ; ainsi, des collègues du groupe de La République en marche, dont le rapporteur général du budget, ont posé, dans un courrier envoyé au Premier ministre, de nombreuses questions portant sur la compensation financière pour les enseignants et chercheurs, l'impact des prélèvements sur les cotisations assises sur les primes des fonctionnaires, les conséquences de la baisse des cotisations de l'État employeur pour les aligner sur le régime universel et les répercussions du texte sur les comptes de la sécurité sociale. Les mesures sont renvoyées à une conférence de financement, dont les conclusions seront rendues fin avril et dont l'objectif est de résorber le déficit du système de pensions, estimé à 12 milliards d'euros en 2027. Compte tenu de l'ampleur de ce déficit, un ensemble de solutions fondées sur un effort partagé par tous nous paraît plus efficace, plus équitable et plus à même de recueillir un plus large consensus, conditions indispensables pour créer la confiance.

Des modalités pourraient être prévues pour que l'âge pivot ne s'applique pas de manière automatique et indifférenciée, mais prenne en compte des situations particulières, comme la pénibilité, la longueur des carrières et les situations de handicap. Le groupe Libertés et territoires dit oui à l'équilibre du système, principe fondamental, mais également à son équité : l'effort doit être proportionnel aux capacités de chacun, au travers de dispositifs progressifs et redistributifs.

Monsieur le secrétaire d'État, vous l'aurez compris, votre projet de loi est perfectible. Notre groupe a fait le choix d'être responsable, déposant à peine plus de quatre-vingts amendements. Néanmoins, je partage l'émotion de ma collègue Jeanine Dubié face au constat que nombre d'entre eux ont été déclarés irrecevables. Où est le Parlement dans de telles conditions ?

Si notre groupe a des critiques à formuler, il a aussi des propositions, que nous avons déjà avancées, tout d'abord sur la gouvernance. Il faut faire confiance au paritarisme et se garder d'une étatisation de la démocratie sociale ; dans ce domaine, le modèle de l'AGIRC-ARRCO doit nous inspirer. Or le respect d'une règle d'or budgétaire et l'ajustement automatique des paramètres à l'espérance de vie contraindront fortement les décisions. L'approbation par décret limitera le rôle des syndicats, d'où notre demande d'associer le Parlement. Comme l'ont dit des responsables syndicaux que nous auditionnions il y a quelques jours, la démocratie parlementaire et la démocratie sociale doivent se compléter, afin de garantir plus de transparence, ainsi que la confiance des assurés dans leur système de retraite.

Les dispositifs de solidarité peuvent également être améliorés. Nous regrettons, monsieur le secrétaire d'État, la double condition posée à l'accès au minimum de pension, à savoir l'obligation d'être assuré depuis quarante-trois ans et de prendre sa retraite à 65 ans, le fameux âge d'équilibre. Cette double exigence se fera au détriment des personnes ayant eu une carrière longue et de faibles revenus.

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