Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du vendredi 3 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Sécurités

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié :

Monsieur le ministre d'État, au XIXe siècle, l'art du trompe-l'oeil faisait fureur. Cet art consistait à l'époque à montrer sur des meubles et des toiles une réalité bien fausse. Art factice, il séduisait, et était alors redoutablement efficace.

Depuis le XIXe siècle, cet art était passé de mode, mais c'était sans compter sur le siècle macronien, qui le remet terriblement au goût du jour, en matière budgétaire cette fois. Car oui, monsieur le ministre d'État, ce budget est un véritable trompe-l'oeil. J'irai donc droit au but et serai certainement moins aimable que mes prédécesseurs. Je tâcherai néanmoins d'être juste et sincère.

Ce budget dont vous voulez nous faire croire qu'il comporte des augmentations procède en vérité à un certain nombre de diminutions inquiétantes. Vous annoncez une hausse, mais derrière celle-ci se cachent de terribles baisses. Vous affirmez que ce budget est consolidé, et nous nous en félicitons avec vous. Au regard de la menace qui pèse sur notre pays, cette consolidation est non seulement une nécessité, monsieur le ministre d'État, mais aussi un devoir. Nous n'avons donc pas à vous en féliciter, car vous ne faites qu'assumer votre responsabilité de maintien de ce budget.

Je parlais donc de trompe-l'oeil ; j'évoquerai à cet égard quatre baisses. Pour le programme « Police nationale », au titre de l'action « Ordre public et protection de la souveraineté », nous remarquons une baisse de 59 millions d'euros. Pour l'action « Sécurité et paix publiques », la baisse est de 62,6 millions d'euros.

S'agissant de la gendarmerie, la hausse générale des crédits s'élève certes à 0,57 %, mais les crédits de paiement alloués aux dépenses de fonctionnement de nos gendarmes connaissent une diminution de 51 millions d'euros. Quant à la sécurité civile, la hausse générale de ses crédits s'élève à 5,15 % mais les crédits alloués au soutien de ses acteurs diminuent de 21,3 millions d'euros.

En tout, la diminution des crédits atteint près de 194 millions d'euros. Tout cela est aussi juste qu'évident et il faut le dire. Pas de quoi se gargariser, donc, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers collègues de la majorité, ni s'adonner à des rodomontades incessantes sur un sujet si capital !

D'ailleurs, l'efficacité du trompe-l'oeil est aussi démontrée par le fait qu'il a contaminé certains de nos rapporteurs. Je signale donc à notre collègue Fauvergue, dont j'ai lu le rapport attentivement, qu'il parvient à transformer, à la page 12, une diminution du budget de 1 % en une augmentation de 1 % ! Le moins est devenu plus ! En matière budgétaire, davantage de rigueur s'impose.

Par-delà ce trompe-l'oeil, vous formulez une équation insoluble, monsieur le ministre d'État, consistant d'une part à procéder à une hausse limitée – et en trompe-l'oeil, je le répète – des moyens alloués aux « Sécurités » et, d'autre part, à ajouter de nouvelles missions qui, elles, nécessiteront des moyens supplémentaires.

J'en donnerai deux exemples. Tout d'abord, l'évolution législative amenant à sortir de l'état d'urgence a abouti à une loi dont certaines dispositions nécessiteront la mobilisation de moyens humains supplémentaires. Précisément, l'assignation à résidence, étendue à l'échelle de la commune, exigera un déploiement humain supplémentaire pour continuer à surveiller celles et ceux qui seront assignés à résidence non plus dans leur domicile mais à l'échelle de la commune.

De même, l'annonce phare du Président de la République relative à la police de sécurité du quotidien, que vous avez reprise, nécessitera des moyens supplémentaires. Or, pas un mot sur les moyens budgétaires consacrés à cette nouvelle mission ! De belles intentions mais rien de précis sur un sujet pourtant essentiel !

À ce rythme, nous avons une inquiétude : que la hausse trompeuse ne se transforme en baisse réelle. Vous l'avez compris, monsieur le ministre, ce budget n'est pas à la hauteur de nos attentes ni de celles des Françaises et des Français. Il est encore temps d'entendre nos alertes et de réussir ce que vous n'avez pas pu faire jusqu'à présent : rassembler les députés de tous les bancs sur le sujet essentiel de la sécurité nationale.

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