Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 20 novembre 2019 à 21h30
Engagement dans la vie locale et proximité de l'action publique — Article 11 bis aa

Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales :

Arnaud Viala a néanmoins raison quand il dit que le débat porte sur le seuil de déclenchement de la proportionnelle – et nous sommes là pour régler les choses du point de vue juridique. Cette question doit grandement nous intéresser, car deux objectifs de nature constitutionnelle sont à prendre en compte : celui de la parité et celui du pluralisme politique. Dans l'une de ses décisions, le Conseil constitutionnel a rappelé que, le pluralisme de l'offre politique étant consubstantiel à la démocratie, cet objectif constitutionnel était plus contraignant que celui de la parité. Mais, au total, il nous faut concilier ces deux objectifs constitutionnels.

Par ailleurs, il est impensable de modifier le mode de scrutin à quelques mois des élections de 2020 – les amendements ne portent pas sur cette question, mais celle-ci a été largement débattue en commission. Si le changement était adopté, il ne s'appliquerait qu'à partir des élections de 2026.

Monsieur Viala, la comparaison avec la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur incorporée dans le projet de loi ne vaut pas, car, sur les accords locaux, le Conseil constitutionnel a déjà rendu une décision de censure, à l'occasion de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité Commune de Salbris. Au contraire, s'agissant du déclenchement de la proportionnelle, la décision de validation du seuil de 1 000 habitants n'a pas fait l'objet d'une censure. Néanmoins, le gouvernement précédent avait demandé, comme il se doit, un avis au Conseil d'État sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires : à cette occasion, le Conseil avait affirmé que l'introduction d'un scrutin proportionnel et donc paritaire, ou paritaire et donc proportionnel, comme vous le souhaitez, dans toutes les communes, sans condition de seuil, serait, par nature, contraire à la Constitution. En tant que membre du Gouvernement, je dois dire à la représentation nationale qu'un scrutin proportionnel dans une commune de 80 ou de 90 habitants ne respecterait pas, par définition, le principe de pluralisme politique, ni donc la Constitution. Si nous empruntions ce chemin – je m'exprime longuement, monsieur le président, pour ne pas avoir à y revenir – nous nous placerions en dehors du bloc de constitutionnalité.

Le seuil de 500 habitants pour la proportionnelle peut être débattu – et j'écouterai vos échanges avec attention – mais il ne présente pas, selon notre analyse, de risque d'inconstitutionnalité majeur. Il respecte le pluralisme politique et fait progresser l'engagement des femmes dans la vie publique locale. Le texte voté par la commission des lois, enrichi par l'adoption d'amendements d'origine parlementaire, a retenu ce seuil. Je vous propose de maintenir l'équilibre auquel nous sommes parvenus, tant sur l'objectif de fond que sur le déclenchement de la proportionnelle et sur le terrain constitutionnel, en ne modifiant pas le texte de la commission et en repoussant les amendements de suppression de l'article ainsi que ceux ne fixant aucun seuil pour la proportionnelle.

Voilà, monsieur le président. J'ai voulu rappeler ces éléments de nature juridique, car on fait beaucoup parler le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, et qu'il vaut mieux les citer.

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