Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Madame la ministre, la semaine dernière, je vous ai interrogée en séance publique à la suite de la visite du Président de la République à La Réunion. En réponse, vous avez cherché à nous faire croire que l'outre-mer était bien traité, égrenant des millions par-ci, des millions par-là. Vous n'aurez convaincu personne, car ceux qui souffrent de votre politique bougent encore. Et, tel un mauvais médecin, face à l'aggravation de l'état du malade, vous renouvelez le même traitement. « Zot lé pa la ek sa ; en gros ensorte anou ! »

En effet, comme chaque année, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » nous offre la seule occasion ou presque de débattre de la réalité de nos territoires. Encore le terme de discussion est-il un bien grand mot : vous nous écoutez, mais sans plus ; vous n'entendez pas la souffrance du peuple.

Pour notre part, contrairement à vous et pour ne tromper personne, nous préférons calculer les budgets en prenant en compte l'inflation et l'augmentation de la population.

Le budget de la mission « Outre-mer » est en baisse depuis plusieurs années et il diminuera encore en 2020. Vous allez réduire de 62 millions d'euros le budget du programme « Emploi outre-mer » et de 85 millions d'euros celui du programme « Conditions de vie outre-mer ». Est-ce bien sérieux, madame la ministre ? Quant aux crédits du programme « Aide à l'accès au logement », ils baissent eux aussi, de 67 millions, alors que des dizaines de milliers de demandes sont en attente. J'en profite pour souligner que, sur ce point comme sur d'autres, l'outre-mer n'est pas traité à égalité avec la métropole : en effet, la réduction de loyer de solidarité est appliquée dans l'Hexagone depuis le 1er février 2018 mais pas en outre-mer. Pourquoi ? J'ose espérer que vous allez réparer cette injustice.

Pourtant, le président Macron et vous-même fanfaronnez avec les 700 millions d'euros du fameux plan Pétrel. J'aimerais y croire, mais où sont ces 700 millions, puisque le budget de la mission « Outre-mer » diminue ? Qui pis est, les dépenses prévisionnelles cumulées de tous les ministères pour les départements d'outre-mer sont également en baisse ! Est-ce vraiment juste, madame la ministre, quand les gens sont à bout ?

À ce propos, comment ne pas dénoncer la décision de supprimer au 1er janvier 2020 l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, cet outil qui, pendant vingt ans, a permis d'éclairer le débat public sur la réalité de la pauvreté en France et en Europe ? Je rappelle que le taux de pauvreté s'élève à 44,3 % en Guyane, à 39 % à La Réunion, à 32 % en Martinique, à 19 % en Guadeloupe et à plus de 80 % à Mayotte. Le pays est malade et, pour seul remède, le Gouvernement casse le thermomètre ! C'est la nouvelle mode chez Macron : l'humain n'a plus sa place. Loin des yeux, loin du coeur…

Par ailleurs, l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – a rendu en mai dernier un rapport indiquant que, si un effort financier massif n'était pas fourni, les territoires d'outre-mer n'atteindraient pas l'objectif, que leur impose la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de 100 % d'énergies renouvelables en pour 2030. Pourtant, le Gouvernement a choisi de faire le contraire en retirant 48 millions d'euros à la transition écologique des territoires.

Enfin, le président Macron a annoncé, le dernier jour de sa visite à La Réunion, un plan zéro leucose d'ici quatre ans. Le directeur de la DAAF – direction de l'alimentation, de l'agriculture et des forêts – , interrogé par le site Imaz Press Réunion, a néanmoins déclaré : « si vous dites qu'on va assainir [le cheptel] en quatre ans, vous vous plantez. [M. ] Macron a pris des morceaux de phrase comme des éléments de communication ». Voilà votre gros problème : de la com', de la com', mais rien de concret ! Nous comprenons mieux pourquoi les crédits du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » sont en baisse de 900 000 euros. Dans ces conditions, comment croire à vos déclarations ?

Le constat est clair : c'est une cure d'austérité pour l'outre-mer. La communication ne suffit pas. Nous voulons un vrai budget et de vraies actions qui aillent dans le sens de la justice sociale, de l'émancipation humaine, de la protection de la nature et de la biodiversité. Madame la ministre, dites-le à vos collègues du gouvernement des riches : nous, ultramarins, refusons votre budget.

Je prends l'opinion à témoin : alors que l'Assemblée est composée de 577 députés, nous sommes à peine une trentaine dans l'hémicycle. Pourtant, vous allez nous imposer votre décision en appelant des députés de l'Hexagone avant le vote. Par cette manoeuvre, ces députés sanctionneront les populations d'outre-mer sans avoir pris la peine d'écouter nos arguments et sans connaître un seul chiffre de ce budget, ce qui constitue un manque de respect inqualifiable.

Comment développer nos territoires dans ces conditions ? Ce système, si peu démocratique, est proprement révoltant. L'outre-mer mérite beaucoup mieux que cela. Pourquoi continuez-vous à empêcher le bien-être du peuple ? Où est la fraternité ? Arrivés à la moitié du mandat d'Emmanuel Macron, nous n'avons pas d'autre choix que de constater l'échec cuisant de votre politique. La seule solution serait une révolution citoyenne par les urnes, que j'appelle de mes voeux.

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