Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Même si les crédits de cette mission sont légèrement en hausse, c'est tout de même un budget « à l'os » : l'augmentation de 1 % ne suffira même pas à compenser l'inflation de 1,1 %. Ce qui nous dérange, au fond, c'est moins ce que contient ce budget que ce qui lui manque, à savoir l'ambition et la stratégie. Le problème, c'est que vous ne croyez pas à la force de la loi. Vous ne croyez pas à l'État qui protège, vous ne croyez pas à l'État qui prend soin, vous ne croyez pas à l'État qui régule.

Nous avons vécu une situation dramatique à Rouen, avec la catastrophe de Lubrizol. M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a tenu à cette occasion, comme à son habitude, des propos bienveillants à l'égard du monde agricole. Le problème, c'est qu'il n'a même pas dit « Aide-toi et le ciel t'aidera », mais : « Aide-toi et le ciel te regardera. » On renvoie la solidarité au niveau de l'interprofession et on n'est pas capable de faire jouer la solidarité nationale. Dans ces circonstances, on se dit que si les chambres d'agriculture n'existaient pas, il faudrait vraiment les inventer et, alors qu'on mesure leur immense importance sur le terrain, on est en train de les assassiner budgétairement au Parlement !

La crise de Lubrizol nous rappelle que les promesses de la loi EGALIM sur la revalorisation des prix sont des promesses de Gascons, des promesses qui n'ont pas été tenues. D'après l'INSEE, entre 2018 et 2019, le prix du blé payé aux producteurs a baissé de 21 %, celui du maïs de 8 % et celui des autres végétaux, hors fruits et légumes, de 5,2 %. Si le lait a relativement bien résisté, rien ne dit que l'évolution de son prix suffira à compenser l'augmentation dramatique des coûts de production. Quant à la mobilisation des fonds européens dans nos territoires, c'est une vraie usine à gaz. Le fait que les MAEC et le FEADER soient mobilisés avec trois ans de retard est une marque de mépris supplémentaire. J'ajoute que les deux années de sécheresse, qui ont un impact majeur sur le coût de la plupart des exploitations, ne sont pas non plus prises en compte.

J'entends quelques Marcheurs grogner : ils ne sont contents que lorsqu'on fait l'apologie du Président de la République et qu'on loue la réussite pleine et entière du Gouvernement. Mais c'est le rôle de l'opposition que de formuler ces critiques-là.

Nous avons été un certain nombre, il y a quelques jours, à assister à la projection de l'excellent film de M. Guillaume Canet, Au nom de la terre, un film poignant qui décrit les maux de l'agriculture, la nécessité d'accompagner les agriculteurs dans leur transition vers un nouveau modèle, l'extrême solitude du monde agricole, le poids des banques, celui des grands distributeurs et celui, insupportable, de l'industrie qui les asphyxie. Nous pleurions tous des larmes de crocodile à la fin de cette projection : elles étaient sincères, mais nous ne pouvons pas nous contenter de pleurer. Notre rôle de parlementaires, c'est de voter une loi qui prenne soin, une loi qui protège, une loi qui régule, une loi qui inverse les rapports de force, une loi qui contraigne les grands distributeurs à payer les agriculteurs pour le fruit de leur travail.

Je répète que nous sommes davantage préoccupés par ce qui est absent de ce budget, c'est-à-dire l'ambition, que par ce qu'il contient. L'absence du ministre, qui a été décidée par le bureau, est une erreur, parce que la présence du ministre au chevet des agriculteurs est une nécessité, et même une ardente obligation.

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