Intervention de Marie-Pierre Rixain

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain :

Éthique et politique : voilà deux termes qui, associés, paraissent contradictoires, parce que le premier semble signifier privé, et le second, public ; parce que le premier semble renvoyer à l'individu, et le second à la communauté. Pourtant, nous sommes tous réunis, mes chers collègues, parce que l'intime est aussi politique. Rares sont les textes de loi qui nous forcent à un regard introspectif sur la définition de notre société et les contours de l'humanité.

Je me félicite, mesdames les ministres, du projet de loi que nous nous apprêtons à examiner, notamment de son article 1er, porteur de nouveaux droits pour les femmes. Il prend enfin en considération la détresse de milliers de femmes contraintes de recourir à des pratiques dangereuses pour elles et leur enfant en raison d'injustifiables discriminations. Je suis fière d'appartenir à la majorité qui reconnaît enfin l'existence et les droits de toutes les familles dans leur diversité.

Oui, les couples de femmes et les femmes seules pourront porter sereinement un projet de parentalité. De cette manière, nous entendons réaffirmer le droit des femmes à maîtriser leur corps, leur maternité et leur vie. La PMA – procréation médicalement assistée – pour toutes n'a rien d'anodin ni d'anecdotique parce qu'elle ne concernerait qu'un nombre réduit de femmes. Il s'agit au contraire d'un geste fort, d'un droit nouveau pour les femmes, d'une étape supplémentaire dans leur émancipation.

Parce que je préside la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, c'est à l'aune d'un prisme féministe que j'ai étudié ce texte et tenu un discours d'encouragement, non dénué, parfois, de vigilance sur certains articles.

Ma vigilance porte notamment sur l'article 21, auquel plusieurs membres de la délégation ont choisi de présenter un amendement visant à restaurer, pour les articles du code de la santé publique consacrés à l'IMG – interruption médicale de grossesse – , le renvoi à la clause de conscience spécifique à l'IVG – interruption volontaire de grossesse. En effet, nous ne comprenons pas pourquoi, en réécrivant complètement l'article L. 2213-2 du code de la santé publique, le projet de loi supprime les renvois actuels selon lesquels les règles applicables à l'IVG en matière de clause de conscience s'appliquent également à l'IMG. Pourquoi vouloir introduire une nouvelle clause de conscience spécifique à l'IMG qui viendrait créer un régime parallèle et potentiellement moins protecteur pour les droits des femmes, alors même que la délégation s'interroge sur la pertinence de cette double clause et que celle-ci a encore été pointée du doigt lors des auditions de la commission spéciale ?

Le corps fécond des femmes est résolument au coeur des questions de bioéthique, mais il n'a pas fallu attendre ces dernières pour qu'il soit un objet politique. Droits reproductifs ou injonction à la maternité : trop longtemps les femmes n'ont pas eu la maîtrise de leur corps, apanage du contrôle social et de la tutelle médicale. C'est pourquoi je suis très attachée à ce que ce texte et nos débats ne contribuent pas à véhiculer une vision archaïque et caricaturale des femmes, en vertu de laquelle elles ne seraient pas capables de faire des choix libres et éclairés, ni d'exercer leur libre arbitre.

Si les femmes se battent pour la maîtrise de leur propre corps, c'est pour devenir les actrices de leur propre vie et ainsi empêcher qu'on ne leur prête certains comportements et qu'on ne décide à leur place. Pour reprendre les mots de Françoise Giroud, « la féminité n'est pas une incompétence. Elle n'est pas non plus une compétence ». Ne propageons donc pas de soupçon de vulnérabilité à l'égard des femmes, à plus forte raison lorsqu'il est question de leur dicter les conditions de leur maternité, celle qu'elles ont choisie. Posons-nous plutôt les bonnes questions : pourquoi permettre à une femme seule d'accéder aux techniques de l'AMP avec tiers donneur et empêcher une femme qui aurait perdu son mari au milieu d'un parcours de PMA de le mener à son terme ? Certes, il s'agit d'une décision complexe, qui doit interroger le consentement et la révocation de celui-ci à l'aune de la mort, mais pas le libre arbitre des femmes.

Enfin, je souhaite saluer la possibilité qui a été ouverte, pour les femmes comme pour les hommes, de conserver leurs gamètes pour eux-mêmes en dehors de tout motif médical. Il faut y voir une avancée pour des femmes de plus en plus nombreuses à observer un décalage grandissant entre le temps de la fertilité et celui du projet parental. L'autoconservation des gamètes permettra de donner une maîtrise nouvelle de leur maternité aux femmes : choisir plutôt que subir.

Aussi, mes chers collègues, est-ce avec ce regard féministe que je vous invite à étudier ce texte, avec cette volonté qu'il soit plus qu'un progrès pour les femmes, une liberté.

1 commentaire :

Le 03/10/2019 à 17:09, Emmanuel Bernard (Citoyen engagé) a dit :

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Le féminisme dites-vous? Nous ne sommes plus au XIXème siècle, Madame la députée.

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