Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

… ou de la révision des modalités de calcul de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés ? L'ordre de vos priorités est bien singulier, madame la ministre ; vous avez une curieuse conception de la justice.

Madame la ministre, ce projet nous inquiète à plusieurs égards.

Nous sommes inquiets parce que l'augmentation de la CSG fera 8 millions de perdants parmi les retraités, que vous tenez pour des privilégiés dès 1 489 euros de revenus par mois.

Nous sommes inquiets parce que l'augmentation de la CSG des fonctionnaires sera seulement compensée, là où leur était promise une augmentation de pouvoir d'achat. Nous regrettons que vous teniez nos fonctionnaires – les vôtres, madame la ministre – , qui travaillent avec acharnement, pour des travailleurs improductifs.

Nous sommes inquiets parce que, d'une manière générale, la hausse du pouvoir d'achat que vous revendiquez est en trompe-l'oeil. Le Gouvernement l'écrit lui-même sans fard dans sa propre étude d'impact, publiée à l'annexe 10 au PLFSS : ce qui est visé, c'est un « ajustement à la baisse des salaires bruts, et donc une baisse du coût du travail ». Le Gouvernement fait, sans le dire, le pari cynique que les salaires n'augmenteront pas dans les années à venir. Je souhaite bon courage à ceux des représentants des salariés qui auront à conduire, dans les mois à venir, les négociations salariales annuelles.

Nous sommes inquiets du report sine die du tiers payant, qui obligera encore longtemps trop de nos concitoyens à arbitrer entre se soigner et manger, entre se soigner et se vêtir, entre se soigner et se loger.

Nous sommes inquiets quand vous proclamez que la prévention est votre priorité et que, dans le même temps, vous travestissez le compte pénibilité et repoussez l'ambition de prévenir les maladies professionnelles, alors qu'elles sont la source essentielle des inégalités de santé.

Nous sommes inquiets parce que la situation de l'hôpital est critique, que son activité augmente de 2 % par an en volume, que les poches de productivité sont bien vides et que l'ONDAM, avec une prévision d'inflation de 1,2 % est en réalité bien plus défavorable que les années précédentes. Les bonnes intentions sur le virage ambulatoire ou les expérimentations relatives à l'organisation des soins, que nous soutenons, n'y suffiront pas. Une dégradation de la qualité des soins et des conditions de travail à l'hôpital est à craindre.

Nous sommes inquiets de l'évolution de l'emploi hospitalier. Et que dire de la situation de nos EHPAD, déjà violemment frappés par la suppression aveugle et idéologique des contrats aidés, et qui appellent aujourd'hui à l'aide ?

Nous sommes inquiets parce que cette cure d'austérité à l'hôpital annonce des déremboursements, que vous inaugurez déjà avec la hausse du forfait hospitalier – une taxe pour les plus malades, une taxe pour les plus pauvres, qui subiront des hausses des complémentaires, pour peu qu'ils en aient une.

Nous sommes inquiets, enfin, quant à l'évolution des relations financières entre l'État et la Sécurité sociale, et nous craignons que vous ne vous apprêtiez à piller les comptes sociaux pour réduire le déficit de l'État tout en finançant quelques cadeaux fiscaux. À la fin du quinquennat, ce sont 25 milliards d'euros qui pourraient ainsi être siphonnés, alors qu'ils permettraient de créer des milliers de places de crèches, d'augmenter le taux d'encadrement dans les EHPAD, de réduire leur coût pour les résidents ou encore de revaloriser sérieusement des prestations sociales comme le RSA – le revenu de solidarité active – ou la prime d'activité.

Tel est, madame la ministre, notre sentiment au seuil de l'examen de ce projet de loi de financement. Pour leur donner une réalité, il ne suffit pas de répéter indéfiniment, d'écho en écho, les mots « égalité » ou « justice », qui deviennent toujours plus ironiques à mesure que les inégalités s'aggravent. Madame la ministre, votre texte, en dépit de vos déclarations, de votre expérience et de votre talent, manque de la part de justice et d'humanité qu'on aurait pu attendre du vous. Par votre vision trop comptable et étriquée du PLFSS, je crains que vous ne soyez déjà totalement et définitivement « darmanisée ».

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