Intervention de Nathalie Elimas

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Elimas :

Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les grands équilibres de notre système social sont aujourd'hui fragilisés par de profondes mutations. La politique sociale ne peut se résumer à quelques ajustements de circonstance, car elle est, bien au-delà, la condition de la cohésion nationale.

Ce qui est au coeur de toute grande politique sociale, c'est en effet la solidarité et le niveau de solidarité qui existe entre les membres d'une société : elle en assure la force. Elle est donc à la fois la réponse à bien des maux dont souffre le corps social mais aussi le moyen d'en assurer l'unité.

Ce premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat doit fixer le cap que le Gouvernement souhaite donner à notre politique sociale.

Madame la ministre, vous avez intégré ces orientations pour faire de ce texte un projet ambitieux : il vise en effet à rendre notre système plus juste, plus solidaire et plus innovant.

Si les députés du groupe MODEM vous soutiennent donc sans réserve, ils souhaitent également formuler des propositions sur plusieurs sujets qui sont à leurs yeux essentiels : la politique familiale, la protection des retraités modestes et des agriculteurs, la lutte contre la désertification médicale, l'amélioration du système de prévention ainsi que de l'innovation en matière de santé, notamment à travers le déploiement de la télémédecine.

Les députés du groupe MODEM sont tout d'abord très attachés à la politique familiale : elle doit rester une politique de solidarité pour la nation. Elle n'a en effet pas été pensée pour aider les personnes en difficulté mais a été, au contraire, conçue pour que toutes les familles, quelle que soit leur situation sociale, soient traitées de manière égale.

Cela ne veut évidemment pas dire que d'autres mécanismes ne doivent pas venir en aide aux plus défavorisés, mais simplement que tous les enfants et toutes les familles de notre pays, quelle que soit leur origine sociale ou territoriale, doivent être soutenus de la même manière : c'est la condition pour que la France reste, sur le plan démographique, un pays jeune et dynamique.

C'est pour cette raison que nous avions systématiquement dénoncé avec force, au cours du précédent quinquennat, les attaques portées contre les principes fondateurs de cette politique.

Je fais référence aux deux baisses successives du quotient familial, à la diminution de la PAJE pour les hauts revenus, ou encore à la modulation du montant des allocations familiales en fonction des revenus, décidée en 2014.

Il y aurait une logique, madame la ministre, je dirais même une grandeur, à ce que notre pays traite de la même manière tous les enfants, quels qu'ils soient.

Nous serons particulièrement vigilants à cette question, pour ne pas renoncer à ce qui a fait l'objet, pendant cinquante ans, d'un large consensus. Pour autant, notre position n'est pas dogmatique. C'est pourquoi nous prendrons toute notre part à la concertation à venir, et nous serons force de proposition, afin de préserver notre politique familiale, dans l'intérêt de tous.

S'agissant de la protection des retraités modestes, le Gouvernement a décidé, pour améliorer le pouvoir d'achat des actifs, de baisser leurs cotisations sociales, en contrepartie d'une hausse de la CSG.

Si les députés du groupe MODEM soutiennent la philosophie de cette réforme, ils souhaitent cependant qu'une attention particulière soit portée à la situation des retraités les plus modestes. C'est pourquoi nous proposons de relever le seuil à partir duquel les retraités seront exonérés de la hausse de la CSG, afin que 50 % d'entre eux ne soient pas pénalisés.

Nous devons également protéger le pouvoir d'achat des agriculteurs, durement touchés par des crises successives. Les baisses de cotisation dont ils ont bénéficié afin de renforcer la compétitivité de ce secteur doivent être conservées.

Cette mesure est nécessaire pour réduire les charges des exploitants et mettre notre agriculture au niveau de celle de nos voisins européens. À ce propos, la réforme de la CSG, telle qu'elle est prévue, se traduira-t-elle par une baisse du pouvoir d'achat pour 40 % des agriculteurs ? La hausse de la CSG qu'ils devront supporter ne sera-t-elle donc pas intégralement compensée ? Ce n'est pas acceptable.

Par ailleurs, le groupe Modem soutiendra les initiatives prises par le Gouvernement pour répondre aux défis auxquels est confrontée l'offre de soins, notamment l'urgence dans les territoires sous-médicalisés. À ce titre, il conviendrait d'envisager un plus grand développement de la télémédecine. Celle-ci doit reposer sur un projet médical qui réponde à des priorités ainsi qu'aux besoins de la population d'un territoire et des professionnels de santé, tout en s'intégrant au sein d'un parcours de soins. Nous souhaitons qu'aucun frein réglementaire ne s'oppose au déploiement de la télémédecine, pour laisser aux partenaires la liberté de mener à bien leurs projets.

De surcroît, le Gouvernement s'est fortement engagé en faveur d'une société inclusive, en mobilisant tous les ministères. Nous soutenons sans réserve cette orientation essentielle.

Concernant la reconnaissance du handicap, il existe actuellement une inégalité de traitement des personnes handicapées selon les territoires, intimement liée à l'absence d'homogénéité des cotations maisons départementales des personnes handicapées – les MDPH. Dans une logique d'harmonisation des parcours, un outil d'envergure nationale permettrait de simplifier les évaluations et d'en diminuer la variabilité mais aussi d'améliorer les délais et la qualité des prises en charge par une montée en compétence des professionnels impliqués ainsi qu'un travail en réseau fluidifié.

Enfin, nous souhaitons qu'une forte mobilisation permette de lutter contre les maladies rares. Elles concernent au total 5 % de la population française et 99 % d'entre elles n'ont pas de traitement curatif. La prise en charge des malades est très particulière, empreinte d'une dimension médico-sociale importante.

Alors que deux plans maladies rares ont déjà été mis en oeuvre, le lancement d'un troisième plan, qui s'intéresserait aux patients et à leur entourage en facilitant le lien entre le sanitaire et le médico-social, nous paraît nécessaire. Toutefois, dans une logique de décloisonnement, un plan plus large pourrait à la fois répondre à ce besoin, lutter contre l'errance diagnostique et accélérer le développement de traitements pour un plus grand nombre de maladies.

Madame la ministre, mes chers collègues, une politique sociale digne de ce nom ne doit en aucun cas opposer les Français entre eux. Le principe de solidarité est essentiel car il doit pallier les injustices de la vie. Dans le même temps, nous devons veiller à l'universalité des droits car ils sont la garantie de notre pacte social.

Je le disais en propos liminaire : parler de politique sociale, ce n'est pas jouer avec les chiffres, ce n'est pas ajuster à la hausse ou à la baisse tel ou tel barème, tel ou tel taux. C'est avant tout savoir dans quelle société nous voulons vivre et après nous, nos enfants. C'est savoir aussi quels principes et quelles valeurs doivent guider nos actions, et il n'en est pas de plus justes, ni de plus forts, ni de plus nécessaires que ceux qui promeuvent la solidarité entre tous les hommes et femmes qui font notre communauté nationale.

Nous formons société au moment où nous nous sentons liés les uns aux autres, où notre voisin ne nous reste pas indifférent, car c'est par lui que nous pouvons surmonter les difficultés, les obstacles. Or ce lien si ténu peut facilement être rompu au gré des maladresses que nous pourrions parfois commettre tout en pensant bien faire.

Ce lien, c'est aussi celui qui assure à chaque être sa dignité dans un monde dur et complexe, parfois écrasant. Sachons nous montrer plus attentionnés et bienveillants, ne nous faisons pas les pourfendeurs de telle ou telle classe, pour la dénigrer ou l'élever. Pas plus que l'on ne choisit l'endroit où l'on naît, l'on ne décide d'être un jour mis en face des difficultés de la vie, que cela soit l'échec ou la maladie.

La politique dont nous débattons aujourd'hui se place au-dessus de ces considérations car elle est une oeuvre de civilisation, de celles qui cherchent à faire tenir ensemble des éléments d'abord différents.

On reconnaît précisément la valeur d'une civilisation au degré de solidarité et de souci de l'autre qu'elle distille entre ses membres.

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