Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du jeudi 18 juillet 2019 à 10h30
Intérêts de la défense et sécurité nationale dans l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Trois mois après que nous nous sommes prononcés une première fois sur le présent texte, un accord a pu être trouvé avec le Sénat qui nous permet de franchir une première étape dans la sécurisation de nos installations face à l'arrivée de la 5G.

Cette nouvelle technologie est une réelle innovation de rupture, dont le champ d'application est très vaste. Les innovations possibles sont innombrables, et beaucoup d'entre elles restent à imaginer. Nous ne pouvons pas passer à côté de cette révolution technologique, mais, comme toute évolution, elle demandera des adaptations de nos processus et des législations nouvelles. Trois grandes prérogatives échoient ici à la puissance publique : garantir la souveraineté nationale, réguler les pratiques et les acteurs liés à la 5G, et prévenir les atteintes à la sécurité de nos concitoyens.

Plusieurs points me paraissent essentiels.

Tout d'abord, il faut garder en tête le contexte dans lequel apparaît cette technologie : celui d'une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

En mai, les États européens ont fait l'objet d'une intense campagne d'influence de la part du département d'État américain, visant à les persuader de la nécessité d'exclure Huawei, entreprise chinoise, du développement des réseaux 5G. Les États-Unis reprochent notamment à la compagnie sa proximité avec le gouvernement chinois, dangereuse pour leur sécurité et celle des pays européens. Après une décision globale de la Commission européenne, chaque État membre devra prendre des mesures pour assurer la sécurité des réseaux.

Nos intérêts, en tant que nations européennes, peuvent s'aligner sur ceux de nos partenaires américains. Nous n'en devons pas moins garder en mémoire les faits passés venus des États-Unis. La révélation, en 2013, de la transmission par les grandes plateformes des données personnelles des utilisateurs à l'Agence nationale de sécurité américaine – NSA – nous prouve que l'Europe et ses États membres doivent redoubler d'attention.

Plus que jamais, l'Europe doit affirmer sa capacité à préserver la liberté de ses citoyens, leur intimité et leur sécurité. Pour cela, une réponse européenne coordonnée est centrale, mais sera-t-elle à la hauteur de l'enjeu ? Deux questions se posent : la possibilité d'une position commune s'agissant des entreprises à risque et le développement de géants européens du numérique.

À ce jour, la Commission européenne a refusé une interdiction a priori de Huawei sur le sol européen. Il est évidemment important de ne pas édicter d'interdiction précoce, mais le risque doit être pris en considération. C'est pourquoi la liberté d'adaptation des législations confiée aux États membres devra être encadrée, afin de ne pas ouvrir de brèche. Les pays européens se caractérisent par l'imbrication profonde des réseaux et de leur cybersécurité. L'ANSSI parlait, dans une note de 2018, d'« interdépendance de nos sociétés » et de « vulnérabilité partagée ». La définition claire d'un ensemble de bonnes pratiques et de règles communes à l'échelon européen est un impératif auquel nous ne pouvons pas ne pas nous plier.

Par ailleurs, il faut que la position de la Commission européenne évolue quant aux moyens donnés aux États membres d'agir en faveur du développement de champions européens du numérique et des télécoms. Dans le domaine des smartphones, des systèmes d'exploitation, des navigateurs et des moteurs de recherche, quelques géants règnent sans partage, et aucun d'eux n'est européen. Ils réalisent des profits énormes, en exploitant et en monétisant les données personnelles des utilisateurs. L'émergence de géants européens du numérique et des télécommunications est donc plus que nécessaire pour permettre à l'Europe d'exister dans le grand jeu mondial de l'innovation numérique.

S'il faut saluer le consensus auquel nous sommes parvenus pour assurer à nos citoyens la protection qu'ils méritent, ce n'est donc qu'un premier pas, et des questions demeurent.

Il est notamment fondamental d'assurer un maillage optimal du territoire par le réseau 5G, afin de remédier à la fracture numérique. Fin 2018, seuls six Français sur dix avaient accès à la 4G, et, trop souvent, les villes moyennes et les territoires ruraux ne peuvent profiter des évolutions numériques, alors même que la capacité à se connecter aux réseaux devient centrale pour le développement économique. Il est de la responsabilité de l'État de s'assurer que tous les citoyens en bénéficient pareillement.

Nous soutenons ce texte important. Il reste maintenant à veiller à l'application des orientations européennes sur le sujet et au développement d'une véritable souveraineté numérique, tant française qu'européenne, condition sine qua non d'une transition sereine vers l'ère de la 5G et des évolutions technologiques qui en découleront.

Je remercie le rapporteur de son excellent travail. Le groupe Socialistes et apparentés votera le texte.

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