Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du mardi 12 février 2019 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

D'où sort ce traité, madame la ministre ? Quelles sont les personnes qui se sont réunies autour d'une table pour l'écrire, et les Allemands et les Français y ont-ils pris la même part ? Je m'interroge plus globalement sur le processus constitutionnel de validation des traités de ce type dans notre pays, où le Président de la République a les pleins pouvoirs pour signer un traité que nous sommes ensuite obligés de ratifier, ce qui pose un problème démocratique.

Sur le fond, le traité d'Aix-la-Chapelle réaffirme les principes néolibéraux que notre groupe rejette. L'article 2, sous couvert de mettre en place une meilleure coordination, indique que les directives européennes seront transposées de manière coordonnée par l'Allemagne et la France, ce qui est inquiétant lorsque l'on sait comment certaines dispositions sont surtransposées pour favoriser les grandes entreprises ou celles dont le lobbying a été le plus efficace.

Les articles 3, 4 et 6 sur la coopération en matière de défense sont assez inquiétants. Le traité crée de toutes pièces un groupe d'intervention militaire franco-allemand dont les contours sont flous, tout comme l'organisation de son commandement et l'encadrement de ses missions.

L'article 13 prévoit qu'il soit possible de déroger au droit national dans les zones transfrontalières, ce qui introduit une potentielle rupture d'égalité sur le sol français : où s'arrêtent, d'ailleurs, lesdites zones, et comment sont-elles délimitées ?

L'article 20 vise à mettre en place une zone économique franco-allemande dotée de règles communes, qui devra harmoniser les législations des deux pays, notamment en matière de droit des affaires ; il crée pour cela un Conseil franco-allemand d'experts économiques. Pourtant, l'Union européenne est déjà une zone économique dotée de règles communes, et il nous paraît dangereux d'y rajouter une couche, qui pourrait s'avérer être une zone ultra-favorable aux très grandes entreprises.

Enfin, vous avez répondu à une question qui me taraudait depuis des mois sur la manière dont la France allait compenser le manque à gagner en énergie que va entraîner la fermeture de quatre de nos centrales à charbon, notamment lors des pics de consommation. C'est en fait très simple : vous avez parlé d'un accord franco-allemand sur l'énergie, aux termes duquel, tandis que nous fermons nos centrales, c'est l'Allemagne – qui produit son électricité essentiellement à partir du charbon – qui nous fournira en électricité… Merci pour le déplacement d'emplois de l'autre côté de la frontière !

Notre critique majeure est que ce traité installe encore plus fermement le couple franco-allemand comme seul pilote de l'Union européenne. Comment vont réagir les autres partenaires européens ?

Que se passera-t-il enfin si nous ne ratifions pas ce traité – dont je souligne au passage qu'il est la preuve de l'inefficacité des traités et des structures européennes pour favoriser les relations intra-européennes –, dans la mesure où beaucoup d'entre nous sont assez mécontents d'être mis devant le fait accompli ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.