Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Indemnisation des victimes du valproate de sodium — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

C'est ici même, dans cet hémicycle, que, le 15 novembre 2016, s'affranchissant des clivages partisans, les députés ont voté à l'unanimité en faveur de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, dont la gestion a été confiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM. Et pour cause ! Dans un rapport publié en août 2017, la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, dénombraient entre 2 150 et 4 100 enfants ayant développé une malformation majeure, depuis 1967, à la suite de l'exposition in utero au valproate de sodium.

Malheureusement, ce bilan déjà très préoccupant a ensuite été revu à la hausse. Dans un nouveau rapport, publié le 22 juin 2018, ces mêmes organismes concluent qu'entre 1967 et 2017, entre 16 600 et 30 400 enfants ont pu être atteints de troubles mentaux et du comportement. Aujourd'hui, ce sont plus de 10 000 personnes qui pourraient bénéficier d'une indemnisation. Il s'agit d'une véritable catastrophe sanitaire. Pourtant, en 2018, seuls 16 millions d'euros ont été dépensés par l'ONIAM sur les 78 millions d'euros prévus en loi de finances initiale. Cette mauvaise utilisation de l'enveloppe des crédits budgétés est la conséquence du retard pris dans l'examen des dossiers, puisqu'aucun avis d'indemnisation n'a été rendu en 2018.

Dans le cadre de la poursuite de mes travaux sur cette question, j'ai auditionné, en avril dernier, Mme Marine Martin, présidente de l'Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsant, l'APESAC, en présence de plusieurs députés. À cette occasion, Mme Martin nous apprenait que, depuis l'ouverture du fonds en 2016, aucune victime n'avait encore été indemnisée. Cette situation n'est pas tolérable.

La première raison de l'échec du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine réside sans aucun doute dans sa complexité. Chaque dossier est examiné par une double instance de décision, et les familles se voient réclamer un nombre très important de pièces administratives – des dossiers qui peuvent comprendre jusqu'à 800 pages et peser jusqu'à 12 kilogrammes. Or, lorsqu'on prend en considération que nombre de ces familles sont constituées de femmes elles-mêmes malades, assumant quelquefois seules la charge de leurs enfants handicapés, ces obstacles apparaissent bien souvent comme une barrière insurmontable.

Ainsi, au 30 avril 2019, seules 1 655 demandes d'indemnisation ont été déposées, pour une prévision totale de 10 290 victimes indemnisées, prévision réalisée par l'ONIAM en 2016. Aussi, je souhaite que cette résolution débouche sur une simplification du dispositif.

C'est là le premier axe de cette proposition de résolution, que j'ai déposée afin d'encourager le Gouvernement à faciliter l'accès des victimes de la Dépakine au dispositif d'indemnisation censé leur venir en aide. Si les souffrances des victimes ne peuvent être effacées, j'en appelle à la sagesse du Gouvernement.

En outre, il est essentiel de prendre en considération le risque financier très important que présente ce dispositif d'indemnisation. Selon la littérature scientifique, le nombre de victimes potentielles serait jusqu'à trois fois supérieur aux hypothèses initiales. Autrement dit, les crédits prévus seront probablement largement insuffisants au regard des montants qui pourraient être accordés aux victimes. Or, Sanofi ayant refusé de reconnaître sa part de responsabilité dans les préjudices subis par les victimes, c'est à l'ONIAM qu'il reviendra d'assumer l'intégralité de l'indemnisation en première intention, avant, éventuellement, de se retourner vers Sanofi pour obtenir un éventuel remboursement de sa part, ce qui impliquera aussi des frais supplémentaires à la charge de la solidarité nationale.

Le jeudi 8 novembre 2018, dans le cadre de l'examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2019, a été adopté de manière transpartisane, de justesse, certes, mon amendement visant à obtenir un rapport du Gouvernement sur la soutenabilité, pour les finances publiques, du dispositif d'indemnisation par l'ONIAM des victimes de l'exposition in utero au valproate de sodium ou d'un de ses dérivés du type Dépakine.

Au-delà d'un état des lieux sur la procédure, ses retards et ses difficultés, j'appelle de mes voeux – c'est le deuxième axe de la proposition de résolution – l'adéquation des moyens budgétaires au niveau d'indemnisation qu'un pays comme la France doit à ces citoyens victimes. Le 22 novembre 2017, la cour d'appel d'Orléans a obligé Sanofi à indemniser une famille à hauteur de 2 millions d'euros et l'assurance maladie à hauteur de 1 million ; c'est dire à quel point le montant de 77 millions d'euros prévu pour 2019 est insuffisant. À travers cette proposition de résolution, j'invite donc logiquement le Gouvernement à réévaluer totalement la budgétisation du dispositif.

Enfin, troisième et dernier axe, je souhaite que le Gouvernement s'approprie les conclusions du rapport qui doit être remis le 1er septembre prochain, afin de présenter des pistes de réforme du dispositif d'indemnisation.

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