Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Dépenses fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

La France connaît un montant de dépenses fiscales parmi les plus élevés au monde : la Cour des comptes a recensé 474 dispositifs en 2018, pour un coût total de plus de 100 milliards d'euros – cela a été dit – , soit un tiers des recettes fiscales nettes de l'État.

Ces dépenses fiscales sont certes coûteuses pour l'État, mais aussi pour les contribuables, en ce qu'elles peuvent conduire, en contrepartie, à accentuer la pression fiscale sur ceux qui n'en bénéficient pas.

Elles peuvent toutefois s'avérer très utiles. En effet, elles peuvent répondre à des objectifs précis : favoriser l'emploi, inciter à l'investissement ou encore soutenir les économies d'énergie et la transition écologique. En cela, il serait injuste de les supprimer sans les évaluer afin d'en apprécier la pertinence et l'efficacité. Certaines sont en effet essentielles pour les Français ou les entreprises.

Nous pourrions citer par exemple le crédit d'impôt recherche, qui permet l'innovation en permettant l'installation et le maintien de centres de recherche partout en France. Néanmoins, pourquoi s'interdire de l'évaluer alors que son coût budgétaire était de 5,56 milliards d'euros en 2016, après et de 6,27 milliards d'euros en 2017 ?

C'est encore le cas du crédit d'impôt pour l'emploi des salariés à domicile, dont la suppression aurait des conséquences dramatiques pour l'emploi. Mais il convient de noter que les 10 % les plus aisés bénéficient de 43,5 % de cette niche fiscale, quand la moitié la plus modeste n'en bénéficie qu'à hauteur de 6,6 %.

Certains dispositifs sont donc trop inégalitaires. C'est aussi le cas de la niche fiscale Scellier, relative à l'immobilier : les 10 % les plus aisés en bénéficient pour plus d'1 milliard d'euros, quand 90 % de la population n'en tire profit qu'à hauteur de 178 millions d'euros.

Pire encore, parmi les 3 % de Français les plus aisés, 90 % atteignent les plafonds des niches fiscales, soit 10 000 ou 18 000 euros selon les cas. Ils profitent donc pleinement de ces dispositifs. Et 10 % des Français les plus riches bénéficient de 50 % des niches fiscales. Ces chiffres démontrent l'injustice du système de dépenses fiscales français et montrent qu'un meilleur pilotage s'impose.

D'autres dispositifs sont justes mais comportent certains écueils intrinsèques. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique est bienvenu ; il a été instauré afin que les Français puissent alléger leur empreinte carbone. Mais les plus aisés ont-ils besoin de cela pour changer leur chaudière ? Dans les faits, cela leur permet surtout de réduire leur empreinte fiscale.

En plus d'être parfois inégalitaires, les dépenses fiscales sont très souvent peu efficaces et coûteuses. Le président de la commission des finances l'a dit, la dernière étude d'ampleur concernant les dépenses fiscales de l'État a été réalisée en 2011. Elle établissait une classification des niches en fonction de leur efficacité, en leur attribuant une note variant de 0 à 3. Il ressortait de cette étude que le coût des niches notées de 0 à 1, c'est-à-dire celles qui ne sont pas ou que peu efficaces, représentait 70 % du coût total de l'ensemble des dépenses fiscales. Ainsi, en plus d'être mal ciblées, en ce que beaucoup d'entre elles bénéficient aux plus aisés, les dépenses fiscales ne satisfont que peu leurs objectifs en matière d'emploi ou de soutien à l'économie ou à la transition écologique, alors que leur coût est conséquent.

Enfin, certaines missions concentrent trop de dispositifs, brouillant ainsi toute lisibilité et ajoutant de la complexité. Ainsi, la mission « Cohésion des territoires » concentre 93 des 474 dispositifs existants. Cet excès est la démonstration même qu'un meilleur pilotage des niches est indispensable.

L'organisation des dépenses fiscales est à la fois coûteuse et, à bien des égards, inefficace et injuste. Pour y remédier tout en préservant les niches qui sont efficaces et utiles, il convient d'en assurer un meilleur pilotage et d'instaurer une véritable évaluation. Encore faut-il nous en donner les moyens.

Pour toutes ces raisons, les députés Socialistes et apparentés voteront en faveur de la proposition de résolution relative au renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques.

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