Intervention de Christophe Di Pompeo

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord de coopération avec la belgique dans le domaine de la mobilité terrestre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Di Pompeo :

Le projet de loi, qui est soumis aujourd'hui à notre approbation et qui porte sur un accord bilatéral entre la France et la Belgique, concerne la construction d'un partenariat opérationnel et stratégique dans le domaine de la mobilité terrestre pour nos armées de terre respectives. Ce programme commun CaMo a été signé en novembre dernier à Paris.

Très concrètement, il s'agit de l'achat par la Belgique de 442 véhicules blindés du programme français Scorpion, pour un montant considérable de 1,5 milliard d'euros. Toutefois, l'enjeu de cet accord dépasse largement le champ économique.

En effet, nous entrons véritablement, avec cet accord, dans le champ de la construction de la défense européenne. Dans un contexte où les superpuissances accroissent, ici et là, leur zone d'influence et leurs capacités militaires, cette assemblée se doit de saluer le courage de la Belgique et de la France qui ont choisi de s'engager dans une doctrine militaire commune, une capacité opérationnelle accrue, et ont eu la volonté de proposer un partenariat inédit entre nos deux armées.

Tenue par l'OTAN de moderniser la vision stratégique et les capacités de son armée de terre, la Belgique a choisi de s'orienter vers le programme français Scorpion pour enrichir sa mobilité terrestre. Ce partenariat va toutefois au-delà des exigences programmatiques de l'OTAN. L'annexe 2 de la convention, qui porte le plan de développement capacitaire, est très claire sur les objectifs. La coopération mise en place par le présent accord vise à créer des groupements tactiques et des sous-groupements tactiques interarmes, belges et français, interopérables ab initio.

Concrètement, cela signifie que, sur la base de matériels identiques, avec des doctrines d'emploi identiques et des schémas de formation et d'entraînement équivalents, un sous-groupement tactique belge peut, sans préparation additionnelle, opérer au sein d'un groupement tactique français, et réciproquement. Comme on le voit, la perspective de l'interopérabilité au sein de l'OTAN reste fondamentale.

Mais le programme CaMo est en réalité bien plus ambitieux que les objectifs fixés par l'OTAN en matière d'interopérabilité. L'OTAN la prévoit au niveau des brigades, alors que le partenariat CaMo la permettra à un niveau bien plus fin : celui des sous-groupements. Avec ce programme, l'armée de terre belge se dote d'une nouvelle organisation, d'une nouvelle doctrine, et de nouvelles modalités d'entraînement, selon un schéma identique à celui de l'armée de terre française. Cela ouvre des perspectives opérationnelles totalement inédites pour nos deux pays, tout en respectant scrupuleusement la souveraineté et l'autonomie de chacun, puisque la possibilité opérationnelle d'un déploiement commun n'entraîne aucune obligation de faire.

Bien sûr, des retombées économiques sont attendues pour nos deux pays. Ce partenariat contribuera à consolider des secteurs stratégiques de nos industries. Il encourage un rapprochement entre les industriels français et belges de la défense, au profit des exportations qui constituent un relais de croissance vital. Les PME devraient également bénéficier, grâce à ce contrat, d'une diversification de leur carnet de commandes.

Au-delà des volets techniques et économiques, cet accord recèle une avancée politique et stratégique sans précédent. Sur le fondement d'une obligation de l'OTAN, un pays de l'Union choisit un pays voisin afin de construire une politique commune de défense inédite, qui doit, à mon sens, avoir force d'exemple pour tous nos voisins européens.

Cet accord ouvre la voie à une interopérabilité maximale en opérations entre nos deux forces terrestres, en consolidant un peu plus une relation déjà solide entre nos armées. Dans le même ordre d'idées, la coopération entre la direction générale de l'armement française et la direction générale des ressources matérielles belge facilitera le développement de nouvelles synergies dans les domaines de l'expertise des essais, et débouchera sur une concertation étroite en matière de besoins futurs.

Pour ces raisons, cet accord est un premier pas, qui s'inscrit dans la volonté du Président de la République de faire émerger une culture stratégique européenne commune, voire une armée européenne, en permettant aux différentes forces de mieux se comprendre pour agir ensemble efficacement, de développer des habitudes de dialogue sur les concepts d'emploi, les doctrines et la planification commune.

Cet accord est donc une pierre apportée à l'édifice de l'Europe de la défense, qui se construit par le biais de partenariats, grâce auxquels les États européens conjuguent leurs forces, au service de la sécurité des citoyens. D'autres coopérations très intégrées trouvent leur origine en Belgique, mais ce partenariat avec la France fait entrer la construction de l'Europe de la défense dans une nouvelle ère, celle de la doctrine commune et du partenariat équilibré. Il prouve que, si nous le voulons, l'Europe de la défense se met en marche.

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