Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 6 mars 2019 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je commencerai par vous remercier tous pour la qualité des débats que nous avons sur le fond concernant la privatisation d'ADP ; le sujet le mérite et il est bon que chacun puisse exposer ses convictions, car toutes sont respectables. Permettez-moi de vous faire part des miennes et de vous exposer le sens que nous donnons à cette opération de privatisation.

Examinons tout d'abord le cadre général dans lequel s'inscrit cette décision : c'est celui de ma volonté et de celle du Gouvernement de redéfinir les places respectives de l'État et de l'entreprise dans l'économie française. Cette ambition est bien au coeur du projet de loi PACTE. J'estime que le rôle de l'État consiste à s'occuper des grands services publics, à défendre l'ordre public économique – ce qui me conduit à agir fortement en cas de fermeture d'usine lorsque je le juge nécessaire – et à défendre des intérêts économiques stratégiques liés aux activités militaires ou nucléaires, par exemple. Le rôle de l'entreprise, en revanche, consiste naturellement à générer des profits et à créer des emplois, mais aussi à se donner une raison d'être en participant à la défense de l'environnement, à la lutte contre le réchauffement climatique, à l'intégration des personnes les plus fragiles et des personnes en situation de handicap. Je réaffirme l'importance que j'attache à cette raison d'être, qui figure dans le code civil et dans le présent projet de loi. Autrement dit, cette opération de privatisation repose sur une ambition politique, au sens noble du terme, de redéfinition des places respectives de l'État et de l'entreprise dans notre économie.

Que privatisons-nous ? Un monopole ? Cela aurait peut-être pu s'entendre il y a quinze ou vingt ans, mais ADP n'est plus un monopole depuis qu'il existe des hubs qui concurrencent la desserte des aéroports parisiens, qu'ils se trouvent en Europe – Francfort et Heathrow notamment – ou dans le Golfe pour ce qui concerne les grandes traversées internationales.

ADP est-elle une entreprise stratégique ? Non. La frontière est stratégique mais l'entreprise est commerciale. Est-elle un outil de souveraineté ? Non. La frontière relève de la souveraineté ; ADP est avant tout une entreprise commerciale. Rappelons au passage que 49 % de ses parts sont déjà détenues par des actionnaires privés : ce n'est donc pas comme si elle était détenue à 95 % par des fonds publics. Voyons exactement quelle entreprise nous privatisons, quelle est son activité et ce qui se cache derrière les grands mots « stratégique », « service public » et « souveraineté » : le résultat opérationnel courant d'ADP tient pour 26 % aux activités aéroportuaires. Le reste de ce résultat se répartit ainsi : 39 % pour les activités commerciales – hôtels, parcs de stationnement et boutiques –, 16 % pour l'immobilier et 18 % pour le développement international. En clair, hormis les activités aéroportuaires – que l'on pourrait d'ailleurs considérer comme commerciales, mais admettons qu'elles ne le soient pas –, l'activité d'ADP dépend à 74 % d'un résultat commercial. J'insiste sur ce point pour définir de quoi nous parlons.

On invoque une privatisation stratégique en citant abondamment les autoroutes. On a moins parlé, cher Monsieur Vallaud, des privatisations décidées entre 1997 et 2002. On aurait par exemple pu considérer qu'un opérateur de téléphonie – en l'occurrence France Telecom – était absolument stratégique pour l'indépendance de la Nation.

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