Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 14 février 2019 à 9h30
Approbation d'une convention fiscale avec le luxembourg — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

À l'initiative du groupe La France insoumise, la commission des finances a mis en place une mission d'information, présidée par Dominique David, dont Jean-Paul Mattei et moi sommes les corapporteurs, sur l'impôt universel. Il s'agirait de faire comme les États-Unis d'Amérique en demandant à un expatrié de verser à son pays d'origine la différence entre l'impôt qu'il y aurait payé et celui qu'il paie à l'étranger. Nous pourrions ainsi nous assurer que le départ à l'étranger n'est pas motivé par l'évasion fiscale. J'espère que la mission d'information conclura que ce principe est adaptable et profitable à notre pays, et que nous pourrons voter tous ensemble une telle mesure. D'ici là, nous pourrions au moins prévoir cette règle simple dans des accords bilatéraux, dès lors que nous avons affaire à un pays agressif fiscalement, ce dont les rapporteurs conviennent s'agissant du Luxembourg : un contribuable français partant au Luxembourg devrait verser à son pays natal la différence entre l'impôt qu'il aurait dû y payer et celui qu'il paie effectivement au Luxembourg.

D'autres mesures pourraient être mises en oeuvre. Il y a quelques jours, M. le rapporteur pour avis citait très à propos l'économiste Gabriel Zucman, saluant une bonne analyse des transferts de bénéfices. Or cette convention ne tient absolument pas compte des propositions de M. Zucman. Nous pourrions par exemple interdire purement et simplement les transferts de bénéfices. En effet, certaines multinationales, comme McDonald's, transfèrent artificiellement leurs bénéfices réalisés en France vers le Luxembourg à travers le paiement de redevances non justifiées. Nous avons déjà déposé des amendements visant à mettre en place un système assez simple, qui permettrait de calculer les bénéfices réellement réalisés sur le territoire français en utilisant notamment le ratio du chiffre d'affaires français de cette entreprise sur son chiffre d'affaires mondial.

Enfin, une meilleure définition de la notion d'établissement stable, qui permettrait de taxer les entreprises numériques réalisant des bénéfices grâce aux utilisateurs français, pourrait également être intégrée dans cette convention.

Vous l'avez compris, nous trouvons que cet accord ne va pas assez loin. Les traités européens amplifient la problématique des paradis fiscaux, que l'on peut également qualifier de pays à la fiscalité agressive, dans la mesure où ils ne permettent pas l'harmonisation fiscale. Dès lors, ils permettent à ce fléau de se développer encore plus rapidement – je dirais même qu'ils le facilitent – en laissant prospérer le dumping fiscal que nous connaissons. Les conventions bilatérales devraient être d'autant plus sévères à l'encontre de ces pays. À quelques mois des élections européennes, il s'agit d'un débat important, qui touche aussi à la question des traités de libre-échange européens. Tant que ces traités ne permettront pas l'harmonisation fiscale – évidemment, je ne parle pas d'une harmonisation fiscale par le bas comme celle à laquelle nous sommes en train d'assister à force de dumping et de concurrence déloyale – , des pays comme le Luxembourg pourront continuer à sévir. Je le répète, les conventions bilatérales doivent être beaucoup plus sévères.

Considérant que cet accord est un coup d'épée dans l'eau, même s'il comporte quelques avancées ici et là, nous voterons contre le projet de loi.

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