Intervention de Frédéric Reiss

Séance en hémicycle du lundi 11 février 2019 à 16h00
Pour une école de la confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Je crains que « l'avant-gardisme français », pour reprendre votre expression, monsieur le ministre, ne fasse guère d'émules en Europe. Plusieurs pays de l'OCDE, évoqués tout à l'heure par Patrick Hetzel, obtiennent d'excellents résultats aux tests internationaux comme ceux du PISA, grâce à une politique de la petite enfance dynamique en période préscolaire.

La focalisation sur l'école maternelle est certes intéressante, mais elle ne doit pas déboucher simplement sur un abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Elle doit aussi mener à une formation dédiée des personnels et à un meilleur taux d'encadrement. Il s'agit de faciliter la transition entre le cycle des apprentissages premiers et celui des apprentissages fondamentaux.

Je souscris aux avancées prévues à l'article 6 concernant les EPLEI, tout comme je suis favorable à la création des établissements publics des savoirs fondamentaux, les EPSF. Naguère, j'avais appelé de mes voeux l'instauration des écoles du socle ; celles-ci pourront être pérennisées au travers des EPSF, notamment en zone d'éducation prioritaire.

Par ailleurs, j'ai déposé de nouveau un amendement sur les regroupements scolaires, dans l'esprit de ma proposition de loi de la fin de l'année dernière. Je suis persuadé qu'en consolidant les RPI, les regroupements pédagogiques intercommunaux, on arrivera à des situations plus satisfaisantes, notamment en milieu rural. J'espère que cet amendement connaîtra un meilleur sort en séance publique qu'en commission.

Depuis votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous promouvez le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d'éducation prioritaire. Le dispositif « plus de maîtres que de classes » donnerait aux regroupements scolaires une nouvelle dynamique et permettrait de lutter contre la fracture entre les territoires, ce qui ne serait pas négligeable dans la conjoncture actuelle.

J'ai toujours pensé qu'il était nécessaire de mieux évaluer notre système éducatif pour le faire progresser. Lors de l'examen du projet de loi de refondation, je n'ai pas adhéré spontanément, je l'avoue, à la création du CNESCO, le conseil national d'évaluation du système scolaire. Avec du recul, après y avoir travaillé, j'affirme qu'il remplit un triple rôle de production, de synthèse et de promotion d'évaluations, dans une perspective internationale d'expertise méthodologique, à destination des professionnels de l'éducation et du grand public.

Pour le groupe Les Républicains, il est fondamental que le système scolaire soit évalué de manière indépendante ; c'est la condition sine qua non de son amélioration. Cette évaluation doit être assurée par une autorité scientifique dotée de moyens propres et dirigée par des membres dont le mode de nomination garantit l'indépendance, avec l'implication du Parlement. S'agissant du nouveau conseil d'évaluation de l'école, nous ne sommes aucunement rassurés par la majorité, qui affirme que le CNESCO ne disparaîtra pas et que ses missions seront transférées à une chaire universitaire. À n'en pas douter, la communication ministérielle fait l'objet d'une véritable stratégie. Tel n'est pas le cas, en revanche, de l'évaluation indépendante de l'école.

Pour le moment, nous sommes inquiets à cet égard, et nous ne sommes pas les seuls, puisque les fédérations de parents d'élèves, la PEEP et la FCPE, le SNPDEN – Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale – ainsi qu'un nombre non négligeable de syndicats réformistes vous ont adressé une lettre à ce sujet, monsieur le ministre. J'ignore quelle réponse leur a été réservée mais il serait bon que, d'ici à l'examen de l'article 9, vous proposiez un dispositif clair afin que l'évaluation du système scolaire se poursuive en toute indépendance ; c'est un enjeu majeur.

La transformation des ESPE en INSPE relève de l'anecdote. Nous partageons évidemment tous la volonté de bien former les enseignants, en début de carrière mais aussi dans le cadre de la formation continue, notamment lorsqu'ils sont confrontés à des difficultés nouvelles dans l'exercice de leur métier.

Lors de l'examen de l'article 17 en commission, nous avons senti une réelle inflexion de votre volonté d'harmoniser, par voie d'ordonnance, les circonscriptions académiques avec les grandes régions. Nous avons bien perçu un rétropédalage à ce sujet, à la suite d'une forte pression médiatique issue du terrain. Il est en effet primordial de garder des services rectoraux de proximité. Mais alors, pourquoi un recteur de région et des sous-recteurs dans les académies actuelles ? À Strasbourg, dans la perspective de la création de la collectivité européenne d'Alsace, la présence d'un recteur à part entière, doté de pouvoirs de décision et de gestion, me semble indispensable pour la mise en oeuvre d'une politique volontariste en matière de bilinguisme.

Globalement, les articles importants de ce texte n'ont fait l'objet que de modifications mineures, certains amendements allant même dans le sens d'une loi bavarde. L'exemple de la prise en compte du handicap à l'école est assez révélateur, eu égard au sort réservé aux propositions de loi en la matière, à celle du groupe Les Républicains d'abord, à celle du groupe Socialistes et apparentés ensuite. Certes, des amendements de la majorité ont été adoptés pour ajouter le mot « inclusif » dans plusieurs articles du code de l'éducation, mais l'école inclusive ne se décrète pas. L'école doit évoluer grâce à des mesures concrètes relatives à l'accueil, à la formation et au statut des AESH. Nous avons bien noté votre volonté de changer le regard sur la différence, monsieur le ministre, et nous prendrons toute notre part à l'élaboration du « grand service public du handicap » que vous avez évoqué.

En conclusion, sur des questions essentielles comme la prise en charge de la petite enfance, la formation des professeurs, l'évaluation du système scolaire ou le besoin de proximité, le texte apporte des réponses inadaptées, incomplètes voire contradictoires. Le groupe Les Républicains ne signera pas un chèque en blanc au Gouvernement dans un domaine aussi important que celui de l'éducation.

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