Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 15h00
Débat sur l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Comme l'a rappelé le récent rapport de la Fondation Abbé Pierre, notre système de redistribution a joué son rôle d'amortisseur durant la dernière décennie puisque, sans les transferts sociaux, le taux de pauvreté en France ne serait pas de 14 %, mais de 24 % ! Notre système de protection sociale remplit donc globalement sa fonction.

Pour autant, il demeure largement perfectible, tout d'abord parce qu'il manque de lisibilité. Il doit donc être renforcé, et non affaibli, notamment pour combler certains angles morts – je pense notamment au taux de non-recours.

À la suite du mouvement des gilets jaunes, des mesures d'urgence ont été prises fin 2018, mais la crise est malheureusement bien plus profonde.

Aussi, l'ordre du jour du groupe majoritaire consacré à l'accès aux droits sociaux a une résonance particulière, puisque nous avions l'occasion, la semaine dernière, de débattre d'une proposition de loi qui posait la question de l'accès aux droits sociaux, via l'expérimentation d'un revenu de base porté par certains conseils départementaux. Les députés de la majorité ont choisi de l'ajourner, arguant de la préparation en cours du revenu universel d'activité, le RUA.

Pourtant, les contours de ce RUA demeurent flous et notre débat permettra, espérons-le, d'en savoir plus.

En effet, en septembre dernier, le Président de la République a présenté le « revenu universel d'activité » comme une aide « qui fusionne le plus grand nombre possible de prestations, et dont l'État sera entièrement responsable ». Or, aujourd'hui, le rôle des départements en matière d'action sociale est crucial. La question de leur place au sein du futur dispositif se pose légitimement et nous attendons des précisions.

Les départements sont aujourd'hui des acteurs incontournables de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté, l'aide aux personnes âgées, la protection de l'enfance ou l'assistance aux personnes handicapées. Ce rôle majeur dans le champ social leur a été attribué lors des deux grandes phases de décentralisation que la France a connues.

À ce jour, les missions de solidarité accomplies par les départements pèsent fortement sur leurs finances, du fait de l'augmentation du reste à charge. Autrement dit, l'État compense de moins en moins, en particulier en ce qui concerne le RSA.

Cette charge financière pour les départements réduit fortement leurs marges de manoeuvre et leur capacité à proposer des actions de développement et d'accompagnement social. Ils deviennent de simples gestionnaires, d'autant plus que les écarts entre départements dans la mise en oeuvre des politiques sociales et l'attribution des diverses allocations peuvent être considérables.

Par le dispositif en cours d'élaboration, le Gouvernement entend-il recentraliser le financement du RSA, remettant ainsi en question la répartition entre État et collectivités locales en matière de droits sociaux ?

De manière plus générale, nous attendons que l'ensemble du dispositif soit précisé.

En effet, proposer une fusion du plus grand nombre de prestations sociales peut être intéressant, mais encore faut-il préciser lesquelles.

De surcroît, ces aides étant versées par différents organismes, l'unification des aides sociales suppose d'harmoniser ces conditions et de créer un « guichet unique » pour centraliser les demandes et s'assurer ensuite des versements. Cette recentralisation pose la question de la répartition des compétences et invite à préciser les contours de l'action des départements et des autres collectivités territoriales en matière de lutte contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale.

Je pense aussi aux conditions posées, qui soumettent le versement à « l'inscription dans un parcours d'insertion, qui empêche de refuser plus de deux offres raisonnables d'emploi ou d'activité ». Quelles en seront les modalités ?

Nous sommes tous conscients des faiblesses de notre modèle actuel de protection sociale, qui limitent l'accès aux droits d'une partie de nos concitoyens.

À ces fractures sociales s'ajoutent des fractures territoriales. Elles se nourrissent notamment de la fermeture des services publics dans certains territoires ou des difficultés d'accès pour certains publics, du fait notamment de la dématérialisation des procédures.

Il devient alors urgent d'agir. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires souhaite, madame la secrétaire d'État, connaître votre feuille de route en matière d'accès aux droits sociaux.

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