Intervention de Ramlati Ali

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRamlati Ali, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le texte que je présente aujourd'hui vise à corriger une erreur qui a été commise pendant la navette parlementaire lors de l'adoption de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Le séquençage de la rétention avait fait l'objet de longs débats lors de l'examen parlementaire du projet de loi. En première lecture, les sénateurs avaient en effet profondément remanié le dispositif adopté par les députés. Ils avaient ainsi réduit les interventions du juge des libertés et de la détention dans la procédure : la première fois au cinquième jour – et non au deuxième – et, une seconde fois, au quarante-cinquième jour. Si le séquençage qui figure dans le texte final a été rétabli par les députés en nouvelle lecture, les dispositions propres à Mayotte ne l'ont pas été.

En raison de la pression migratoire exceptionnelle qui s'exerce sur ce territoire, la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer avait en effet porté à cinq jours – contre deux dans le reste du territoire – la durée de la phase initiale de rétention administrative à l'issue de laquelle le JLD est saisi aux fins de prolongation.

Cette dérogation était inscrite au 18° de l'article L. 832-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le Sénat, en portant la durée initiale de la rétention à cinq jours dans l'ensemble du territoire, a logiquement supprimé cette dérogation, qui devenait sans objet. Or, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli le délai de rétention à quarante-huit heures, mais pas la dérogation propre à Mayotte.

Il en résulte que le délai de saisine du JLD a été réduit à quarante-huit heures à Mayotte, alors que ce n'était la volonté ni du Sénat, qui souhaitait au contraire étendre le délai à cinq jours dans l'ensemble du territoire, ni de l'Assemblée nationale, qui n'entendait pas revenir sur le droit en vigueur à Mayotte.

La situation de Mayotte présente des particularités en matière migratoire, que la délégation de la commission des lois, conduite par sa présidente, a pu mesurer lors de son déplacement dans l'île, en septembre dernier.

L'île compte ainsi 52 000 étrangers en situation irrégulière, sur une population totale de 256 000 habitants, et 20 000 reconduites à la frontière y sont effectuées chaque année, essentiellement en direction des Comores. Cela représente plus de la moitié des reconduites effectuées depuis l'ensemble du territoire national !

La maternité est la première d'Europe, avec près de 10 000 naissances par an, dont les deux tiers de mères étrangères. Le nombre de mineurs isolés est estimé à plus de 6 000. Cette pression migratoire a pour conséquences une densité de population exceptionnelle, la plus élevée en France après l'Île-de-France, une situation sanitaire indigne. Tout cela freine considérablement le développement socio-économique de l'île.

Cette situation exceptionnelle justifie pleinement une adaptation de certaines dispositions législatives.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018, a jugé que ces différentes adaptations du droit des étrangers à la situation spécifique de Mayotte ne méconnaissaient aucun principe constitutionnel, notamment celui d'égalité devant la loi. Il en avait jugé de même en 2016 ou en 2011 lorsqu'il avait été saisi des précédentes lois en matière d'asile et d'immigration,

Les dispositions relatives au délai de rétention de la loi asile immigration doivent entrer en vigueur au 1er mars 2019. Aussi, l'article 1er de la proposition de loi vise à rétablir le délai de saisine du JLD à cinq jours et à faire entrer en vigueur cette disposition au 1er mars 2019.

L'effet de la loi asile immigration serait ainsi neutralisé, et le droit actuel continuerait à s'appliquer. Il s'agit donc d'une mesure technique, qui vise à corriger une erreur de procédure. Il n'est pas question de refaire les débats que nous avons déjà eus sur Mayotte au printemps et à l'été dernier, ou d'aborder de nouveaux sujets. La proposition de loi doit être promulguée rapidement, en tout état de cause avant le 1er mars prochain.

La commission des lois a adopté la semaine dernière l'ensemble de la proposition de loi, sans modification. Pour ma part, d'un commun accord avec mon collègue, rapporteur du texte au Sénat, j'ai déposé un amendement qui vise à compléter le contenu du rapport sur les étrangers en France, remis chaque année par le Gouvernement au Parlement. Il s'agit de disposer de chiffres plus précis sur la situation dans les outre-mer, en particulier à Mayotte.

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