Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 10h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

J'ai avec vous, madame la ministre, un désaccord juridique sur l'interprétation de l'article 50. Si les Britanniques décidaient de revenir, seraient-ils fondés à le faire ? Vous avez semblé donner l'impression qu'ils le seraient. Sur le plan politique, cela s'imposerait à nous. Mais, sur le plan juridique, je me rappelle très bien les conditions dans lesquelles avait été discuté l'article 50 lors de la convention établissant le traité constitutionnel européen (TCE) – puisque le traité de Lisbonne ne fait que reprendre la disposition du TCE. Les auteurs de cet article à paternité multiple avaient pour objectif clair d'enfermer ceux qui voudraient sortir de l'Union dans un délai précis et de ne pas les autoriser à dire, vingt-deux mois plus tard : « Finalement, nous revenons », avant de décider au bout de vingt-six mois que, tout compte fait, ils repartaient. Il y a donc un problème mais, comme l'a dit un jour Pascal Lamy, le droit européen, comme la peau des ours, se tire dans tous les sens. Et, politiquement, vous avez raison de dire que si, demain, les Britanniques disaient « Pouce ! On s'est trompé, on revient », le cercle de famille applaudirait à grands cris.

D'autre part, vous avez donné, comme de manière incidente, à la fin de vos réponses, une indication qui n'a rien d'anodin : les délais de ratification risquent d'être un peu allongés. Nous n'allons pas engager maintenant une discussion sur les délais de ratification, mais je rappelle que depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Parlement a un droit d'amendement sur le contenu des ordonnances. Comme vous avez aussi mentionné que les mesures prises seraient des mesures temporaires, nous souhaitons que la combinaison de ce caractère temporaire et de l'allongement du délai avant la ratification n'aboutisse pas à neutraliser la portée du droit d'amendement. Mais je crois que tout cela ne posera pas de problème.

Enfin, je rappelle à ceux qui s'inquiètent légitimement du processus en cours, ou qui s'interrogent à juste titre sur l'avenir des fonctionnaires européens, que nous recevrons mardi prochain M. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.

Je vous remercie très chaleureusement, madame la ministre, pour la précision et la qualité de vos réponses et pour la disponibilité dont vous avez fait preuve. Cet échange a été extrêmement fructueux et je me réjouis que, quelles que soient nos opinions respectives, le Gouvernement et les membres de la commission spéciale aient en commun la conscience aigüe de la gravité de l'enjeu. La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est une épreuve redoutable pour tous, et pas seulement pour les Britanniques. Loin de nous, donc, toute Schadenfreude, toute joie mauvaise à l'idée du malheur d'autrui. En réalité, les Britanniques, s'ils sortent de l'Union dans de mauvaises conditions, en subiront des conséquences très lourdes, mais les conséquences d'une mauvaise séparation seront réelles pour nous également. Rappelons-nous les mots du général de Gaulle : « La vie est un combat, le succès coûte l'effort, le salut exige la victoire. » Nous sommes dans un combat pour une sortie digne, dans le respect des intérêts de la France ; la conscience de la gravité de l'enjeu habite cette commission spéciale et je m'en réjouis.

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