Intervention de Anouar Kbibech

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman :

J'apporterai seulement quelques rapides compléments.

Il a été demandé si la croyance en Dieu était une entrave mise à la liberté, tandis qu'une autre question portait sur le respect qu'il convient d'avoir envers les lois allant à l'encontre des convictions qui sont les nôtres. La laïcité autorise justement chacun à croire ou à ne pas croire, et elle permet aux croyants de pratiquer leur religion dans le respect des lois et des valeurs de la République. Car si la République ne reconnaît aucun culte, elle n'en méconnaît non plus aucun. Par ailleurs, la société n'étant pas laïque, chacun a le droit d'exprimer son point de vue. Mais il est gênant que la notion de laïcité soit parfois interprétée comme l'obligation faite aux religions de faire coïncider avec les lois de la République les dispositions qui sont les leurs, voire les croyances qu'elles portent. En d'autres termes, il leur est en quelque sorte demandé de « bénir » les lois qui sont votées. Certes, il faut respecter les lois mais sans nous défaire de nos convictions propres. La République française est d'ailleurs suffisamment forte pour ne pas avoir besoin de l'appui des religions.

Vous avez aussi demandé si la PMA pouvait être considérée comme un progrès médical. Elle en est un et la religion musulmane l'a autorisée pour des couples hétérosexuels qui ne peuvent avoir d'enfants. En revanche, elle ne peut concerner les autres couples ou les femmes seules, d'après les principes directeurs dont j'ai parlé. Mais il faut souligner encore une fois que tout ce qui est possible techniquement n'est pas pour autant permis éthiquement, et que des limites doivent être mises afin d'empêcher que tout et n'importe quoi soit réalisé. C'est particulièrement vrai pour la protection des libertés car le big data, dans le domaine des télécommunications, permet notamment de connaître tous les endroits où vous vous êtes rendus ou l'ensemble des sites Internet que vous avez consultés ainsi que la durée de leur consultation.

Mme Vidal a parlé de la baisse du nombre de pratiquants. Cette baisse ne se vérifie pas dans le cas de la religion musulmane, ainsi que le montre la pratique du pèlerinage à La Mecque. Les générations précédentes faisaient ce pèlerinage à la fin de leur existence pour se racheter après avoir fait, comme on dit, les « quatre cents coups ». Mais aujourd'hui on voit un rajeunissement de l'âge moyen des personnes qui se rendent à La Mecque. Quand je fais moi-même ce pèlerinage, je rencontre des jeunes gens de 21 ou 23 ans parfois accompagnés de leurs jeunes enfants, alors que les parents de ces jeunes gens n'ont pas effectué de pèlerinage. Ce regain de religiosité me semble avoir lieu dans toutes les religions. C'est l'une des raisons qui doivent encourager à considérer les religions non comme une menace potentielle mais comme une opportunité de faire évoluer la réflexion commune.

La remarque de M. Lurton selon laquelle cette table ronde amène à se poser encore plus de questions peut s'entendre de deux façons. Car si nous vous avons amenés à vous poser des questions nouvelles, nous pourrons considérer que cette rencontre aura été un succès, mais si nous n'avons su vous apporter aucune réponse après ces trois heures de discussion, elle aura été un échec !

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