Intervention de Fabrice Le Vigoureux

Séance en hémicycle du mardi 13 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, chers téléspectateurs insomniaques, avant d'entamer cette séquence budgétaire, je me suis plongé dans un roman remarquable d'une jeune auteure, Marion Messina, qui s'intitule, de manière symptomatique, Faux départ. Cette oeuvre traduit le malaise et la solitude d'une jeune étudiante, Aurélie, face à ce continent inconnu que peut être l'enseignement supérieur dans certaines familles. L'auteur décrit dans un style houellebecquien le poids de déterminismes sociaux qui jouent à plein, pas toujours pour des raisons monétaires, et qui entraînent Aurélie dans une voie universitaire par défaut dans laquelle elle s'ennuie ferme. Cette réussite contrariée, souvent bien réelle, est pour moi une véritable blessure citoyenne car des talents sont parfois gâchés, découragés, et la culture du rebond est encore à installer en France.

En tant que rapporteur spécial, professeur d'université et papa de trois enfants en étude, je pense réellement que la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, que nous avons votée, que vous avez très vite déployée, madame la ministre, et qui s'inscrit pleinement dans ce budget 2019, permet et permettra de réduire les faux départs. J'en profite pour saluer l'implication des enseignants de lycée qui, dans le cadre de cette réforme, jouent pleinement la carte de l'orientation active, notamment lorsqu'ils occupent la belle mission de professeur principal dédié.

J'en viens aux crédits pour 2019. Pour la partie relative à l'enseignement supérieur, c'est-à-dire les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante », l'augmentation est de 173 millions d'euros. Le Gouvernement prévoit par ailleurs de reporter 43 millions de crédits non consommés cette année, en 2019, portant le total des ouvertures à 216 millions. Ces crédits permettront aux opérateurs de financer les mesures salariales, notamment le GVT – glissement vieillesse technicité – et la titularisation d'une partie des personnels contractuels, et d'appliquer les mesures d'accompagnement et de parcours personnalisés en premier cycle. La recherche universitaire bénéficiera également de l'augmentation de 34 millions en autorisations d'engagement des crédits accordés à l'Agence nationale de la recherche.

Le budget des universités est également renforcé par les crédits du grand plan d'investissement qui consacre 1,55 milliard d'euros sur le quinquennat à l'enseignement supérieur. Ce grand plan se structure en deux actions principales : d'abord, les « nouveaux cursus à l'université », qui favorisent la meilleure prise en compte de la diversité académique, géographique et sociale des étudiants arrivant en premier cycle, ensuite, le « développement d'université de rang mondial », qui parle de lui-même.

Concernant la structure des opérateurs de la mission, au premier rang desquels les universités, le passage aux responsabilités et compétences élargies est devenu le droit commun de toutes les universités. Cependant, trop d'établissements demeurent encore dans une situation financière fragile et l'écart entre le plafond d'emplois autorisés et l'emploi effectif demeure important : près de 12 000 équivalents temps plein. Cela doit nous amener à poursuivre la recherche d'un rééquilibre entre moyens récurrents et financement par appels à projets, ce dernier ayant vraisemblablement pris trop de place.

Cela passe également par le grand chantier des ressources propres, qu'il est nécessaire de diversifier et d'augmenter, pour permettre une réelle autonomie des établissements. Ainsi, en 2017, les ressources propres des universités représentent 2,2 milliards d'euros, soit 16 % de leur budget de fonctionnement. Mais ce chiffre n'a augmenté que de 10 millions par rapport à 2014 et cette stagnation est préoccupante. Le renforcement de l'offre de formation continue pourrait être un moyen d'y remédier en partie. Sur ce point, des blocages peuvent encore être levés et des incitations prévues, par exemple dans le cadre des dialogues stratégiques conditionnant l'affectation des moyens aux opérateurs.

Avant de dire un mot de la vie étudiante, je voudrais plaider pour la facilitation de la délivrance de diplômes reconnus dans le schéma LMD – licence, maîtrise, doctorat – pour les écoles faisant l'objet d'une certification par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et d'évaluations régulières du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, dit HCERES. Je pense bien sûr aux EESPIG – établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général – , qui remplissent pleinement des missions de service public. Notre système d'enseignement supérieur y gagnerait en lisibilité, notamment à l'international et pour un certain nombre de familles, quelque peu perdues dans le maquis des bac+3, notamment des bachelors.

Enfin, concernant le volet de la vie étudiante, le montant attribué aux bourses sur critères sociaux demeure stable, à 2,1 milliards, de même que les moyens alloués aux CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – , à 480 millions. La mise en oeuvre de la CVEC – contribution vie étudiante et de campus – permettra d'allouer, par ailleurs, plus de 100 millions à l'amélioration des conditions de vie étudiante, tandis que le prix du ticket restaurant universitaire continue d'être gelé à la rentrée 2019 afin de ne pas peser sur le pouvoir d'achat des étudiants.

Au total, le budget pour 2019 pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante est à la hauteur de l'ambition pédagogique, scientifique et tout simplement humaine que revêt la formation de nos jeunes. Dans son dernier ouvrage, 21 leçons pour le XXIe siècle, l'historien Yuval Harari déclare que ce que les enfants apprennent aujourd'hui sera inutile d'ici 2050 et que nous ne savons pas à quoi ressemblera le marché du travail à ce moment-là : plus qu'un chant du cygne, j'y vois une chance magnifique pour les établissements du supérieur de se positionner de manière croissante sur le terrain de la formation tout au long de la vie, pour lequel je connais, madame la ministre, votre sensibilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.