Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du vendredi 9 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes le 5 novembre. Il est neuf heures du matin à Marseille. Deux immeubles vétustes s'effondrent. Un troisième s'écroule à moitié. Sept morts. Cinq jours après la catastrophe, les services de secours cherchent encore des disparus sous les décombres.

Des centaines de personnes continuent d'être évacuées par sécurité des immeubles voisins. Dans tout le quartier, c'est la stupeur et surtout la peur. « Vais-je aussi prendre mon toit sur la figure ? » se demandent les pauvres. Plus d'un Marseillais sur neuf vit dans un logement indigne et réalise, la boule au ventre, que le ciel, ou plutôt les briques et les tuiles, peuvent concrètement lui tomber sur la tête. Et combien d'autres en France font les frais de cette politique en matière de logement ? Et combien d'autres font le bonheur sonnant et trébuchant des marchands de sommeil ?

La cohésion, si l'on se fie au dictionnaire, se définit en ces termes : « Union, solidarité étroite ; caractère quasi indestructible du lien qui unit les membres d'un groupe ». Pourtant, votre politique d'aménagement du territoire divise. Vos obsessions sont insupportables à tous ceux qui subissent au quotidien les fissures, le moisi, le froid, les rats. Tout ça pour quoi ? Pour toujours plus de compétitivité, de rentabilité, de prétendue simplification des normes de construction.

L'INSEE estime que 10 % des logements présentent au moins trois défauts qui peuvent mettre en danger la sécurité et la santé des occupants : humidité, infiltration d'eau, installation électrique dégradée. Dans trois millions de logements nos concitoyens vivent dans des conditions dangereuses, de celles qui pourrissent la vie, obscurcissent le quotidien et rendent les lendemains incertains.

À partir de combien d'immeubles effondrés, de combien de morts réagirez-vous ? Trouvez-vous normal que, lorsque les riches se livrent à la spéculation immobilière, ce soit les pauvres qui meurent ? Sur les 3 millions de logements jugés dangereux, seuls 180 000 font l'objet d'un arrêté d'insalubrité. Rien qu'à Marseille 40 000 logements sont déclarés insalubres par la fondation Abbé-Pierre, 40 000 logements où vivent 100 000 Marseillais. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Vous me répondrez sûrement que vous augmentez les crédits de l'action « Lutte contre l'habitat indigne » pour régler le problème. C'est vrai, mais c'est largement insuffisant. Et je ne parle pas du crédit d'impôt pour la transition énergétique divisé par deux ni du chèque énergie augmenté de seulement cinquante euros, alors que le coût du gaz, du fioul et de l'électricité explose.

De qui vous moquez-vous ? Des plus pauvres, bien sûr. Je l'ai dit il y a quelques jours à la tribune et je suis obligée de le répéter aujourd'hui : où est l'État ? À force de parier magiquement sur les forces invisibles du marché, vous créez des situations désastreuses. Il faut aller chercher les propriétaires qui refusent de faire des travaux et, quand ils n'en ont pas les moyens, les aider s'il le faut.

Par milliers, des immeubles menacent de s'effondrer dans le pays, mais, pour vous, l'urgence absolue est d'abaisser les normes de construction et, surtout, de réduire la voilure financière pour construire toujours moins de logements sociaux. En 2019, vous prévoyez 4 millions d'euros en moins pour la construction locative et l'amélioration du parc. Ce budget est divisé par cinq par rapport à l'an dernier. Prévoir moins d'argent, c'est construire moins, réparer moins, entretenir moins.

Alors qu'il y a deux millions de demandeurs de logements sociaux dans le pays, soit 10 % de plus qu'en 2017, vous prévoyez de diminuer la construction de HLM. Dès 2020, vous entendez en construire moins de 100 000 par an. Vous diminuez le budget alloué à la construction de logements sociaux au moment où le Royaume-Uni de Theresa May prévoit 2 milliards d'euros par an pour relancer le logement social, où l'Allemagne de Merkel investit près de 6 milliards pour construire des logements abordables.

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