Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du mercredi 7 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Économie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le rapport spécial que je vous présente porte sur les crédits de trois comptes spéciaux.

Tout d'abord, le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » retrace les opérations de l'État actionnaire, c'est-à-dire les ventes et achats de titres. Comme je le dis chaque année, les prévisions sur ce compte sont purement indicatives, ce qui soulève un problème en ce qui concerne tant l'information que le Gouvernement nous doit que la notion d'autorisation parlementaire, de fait vidée de son sens. Je sais que le Gouvernement justifie cela parce qu'il ne souhaite pas donner d'informations au marché en amont des ventes de titres, ce que je comprends parfaitement.

Cette année, madame la secrétaire d'État, vous nous donnez tout de même quelques indications puisque vous doublez la prévision conventionnelle : d'habitude, nous votions des crédits de 5 milliards en recettes et de 5 milliards en dépenses ; là, nous passons à 10 milliards. J'observe que, pour 2018, nous avions voté un montant de 5 milliards : pour le moment, nous sommes à 3,5 milliards d'euros de dépenses et 2,5 milliards d'euros de recettes, ce qui, cela ne vous a pas échappé, représente une différence d'1 milliard. Cette année, je viens de le dire, le Gouvernement annonce de façon conventionnelle des recettes et des dépenses à hauteur de 10 milliards d'euros, ce qui reflète bien entendu son choix de privatiser ADP, Engie et La Française des jeux, en application des dispositions de la future loi PACTE.

Vous espérez ensuite dégager du cash, qui devrait être investi dans un fonds spécifique, le fameux fonds spécial pour l'innovation. Je le répète, je n'en comprends pas la logique : vous allez dégager un revenu fondé sur un taux d'intérêt investi mais, en cédant ces participations, vous renoncerez à 130 millions d'euros de dividendes d'ADP – vous n'en disposerez plus de manière récurrente – , à 90 millions de La Française des jeux et à 555 millions d'Engie. Vous allez donc renoncer à ces dividendes pour alimenter un fonds, investi en obligations d'État, qui rapportera au mieux 200 millions à 300 millions d'euros, soit moins que les dividendes issus des participations que je viens de citer.

Il me semble que c'est un mauvais calcul. Il me semble aussi que, d'un point de vue démocratique, il serait temps d'amender la loi organique relative aux lois de finances pour rendre à l'Agence des participations de l'État un vrai rôle de gestionnaire de ces participations ; autrement dit, il faudrait qu'elle puisse gérer les dividendes. Nous avons eu de nombreux débats sur ce sujet en commission, comme nous en avions eu l'année dernière dans l'hémicycle. Nous avions alors fait voter un amendement qui prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport afin de nous dire s'il souhaite, oui ou non, que l'Agence des participations de l'État garde les dividendes et que le Parlement vote chaque année la part de ceux-ci reversés au budget général de l'État. Le rapport que vous nous avez remis, madame la ministre, comporte plusieurs aspects positifs, qui vont dans ce sens, mais le Gouvernement conclut pourtant en disant qu'il ne modifiera pas la gouvernance de l'Agence des participations de l'État.

J'en viens, en deuxième lieu, au compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». Nous l'avons dit l'an dernier, La France, comme l'ensemble des pays européens, a suspendu le reversement à la Grèce des intérêts que celle-ci paie à la Banque de France sur sa dette. Le 22 juin, le conseil écofin a décidé de réactiver les remboursements à la Grèce, mais seulement à partir de l'année 2017, ce qui exclut les années 2015 et 2016. Pour que tous les collègues soient bien informés, je précise qu'avec cette opération, la France a amélioré son solde budgétaire de 1,2 milliard d'euros, pour ainsi dire sur le dos de la Grèce.

En troisième lieu, je dirai un mot rapide sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Ce compte assure le financement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », ce qui, selon la Cour des comptes, est contraire à la loi organique relative aux lois de finances. Le budget annexe doit en effet restituer plus de 700 millions d'euros à ce compte spécial au titre des années antérieures. Ce n'est pas une petite irrégularité, même si j'admets qu'elle était déjà commise sous les précédentes législatures.

Pour toutes les raisons énoncées, mais principalement du fait des privatisations que vous envisagez pour un montant de 10 milliards d'euros, j'émets un avis négatif sur le vote des crédits de ces trois comptes d'affectation spéciale.

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