Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du mercredi 7 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Économie

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, vous le savez, ce projet de loi de finance a un cap fixé par le président de la République et le Premier ministre : construire une nouvelle prospérité française, une prospérité durable, qui doit bénéficier à tous les Français et à tous les territoires, une prospérité qui ne doit pas reposer sur plus de dépense publique et par conséquent plus d'impôts, mais sur plus d'activité et par conséquent plus d'emplois pour les Français et pour leurs entreprises.

Constance, cohérence et ambition sont les maîtres mots de notre politique. Constance par rapport aux choix fiscaux que nous avons faits en 2018. Cohérence par rapport à l'ensemble de la politique que nous menons, au niveau national, avec la loi PACTE – relatif à la croissance et à la transformation des entreprises – , qui a fait le pari des entreprises et de l'innovation, et au niveau européen, en respectant nos engagements en matière de finances publiques. Ambition enfin parce que nous entendons faire croître l'activité de manière durable et au bénéfice de tous les Français.

Les valeurs et les objectifs que nous répétons nous guident vers ce cap. D'une part, nous entendons rétablir durablement nos finances publiques et ainsi respecter les engagements du Président de la République. Ils tiennent en trois chiffres : 5 points de PIB de baisse de la dette publique, 3 points de baisse de la dépense publique et 1 point de baisse des prélèvements obligatoires d'ici à la fin du quinquennat. D'autre part, nous voulons retrouver un esprit de conquête économique, de conquête technologique, de conquête industrielle et de conquête à l'export.

Si les résultats sont là depuis mai 2017, ils ne sont pas suffisants, nous en sommes conscients. Nous devons accélérer la transformation économique que nous menons. Certes les chiffres de l'attractivité et des investissements étrangers en France sont les meilleurs depuis dix ans. Certes plus de 200 000 emplois ont été créés en un an et, dans l'industrie, pour le seul mois de septembre, ce sont 61 000 emplois qui ont été créés, du jamais vu depuis 2006. Certes les chiffres de la croissance au troisième trimestre sont conformes à nos prévisions et plutôt solides : nous avons eu des résultats exceptionnels en 2017 et la croissance est solide en 2018.

Mais, vous le savez, l'économie française continue à croître moins vite que la moyenne des pays de la zone euro. L'économie française a du retard en matière de robotisation et de numérisation : 133 robots en moyenne contre 190 en Italie et plus de 300 en Allemagne. L'économie française n'est pas en pole position en matière d'innovation de rupture.

Notre action, au travers des missions dont nous allons débattre, est de faire croître et transformer nos entreprises et de poursuivre la transformation de l'action publique.

Pour faire croître et transformer nos entreprises, le projet de loi de finances pour 2019 décline sur le plan fiscal les mesures du projet de loi PACTE, qui a été adoptée début octobre par l'Assemblée nationale et sera examiné en janvier par le Sénat. Ces mesures concernent d'abord la transmission. Trois dispositifs fiscaux seront assouplis et simplifiés, vous connaissez ces mesures.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également la profonde transformation des chambres de commerce et d'industrie : première baisse de 100 millions d'euros de la taxe affectée aux chambres et une trajectoire de baisse de 400 millions d'euros en 2022. Cette baisse n'interviendra pas dès 2019, afin de laisser aux chambres de commerce et d'industrie le temps de s'adapter. Elle sera complétée, conformément à l'amendement concernant les taux adopté par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition d'Amélie de Montchalin, Stella Dupont et Valérie Oppelt. Par cette mesure, nous souhaitons mettre en place un nouveau modèle pour les CCI afin qu'elles se concentrent sur leur coeur de mission : assurer l'appui aux entreprises, la formation initiale et la représentation des entreprises. Surtout, nous diminuons les impôts pesant sur la compétitivité des entreprises car c'est l'accumulation de taxes et de règles qui mine la compétitivité de nos entreprises, en particulier en comparaison avec nos partenaires européens, l'Allemagne au premier chef.

Dans le PLF pour 2019, nous nous attaquons donc à cette pression fiscale. Conformément aux engagements du président de la République, nous transformons le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en allégement de charges pérenne, ce qui permettra d'abaisser durablement le coût du travail et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises pour favoriser l'emploi. Dans le même ordre d'idée, nous continuerons à réduire l'impôt sur les sociétés pour libérer des marges de manoeuvre au profit de nos entreprises et favoriser l'attractivité de notre territoire : notre objectif, que vous avez en tête, est d'abaisser le taux de cet impôt à 25 % à l'horizon de 2022.

En matière industrielle, nous souhaitons également nous attaquer aux impôts de production. Un certain nombre de mesures ont déjà été ciblées et, dès que nous aurons un peu plus de marges budgétaires, nous continuerons ce travail, puisqu'il faut spécifiquement s'attaquer aux problématiques des entreprises industrielles.

Mais cela ne suffit évidemment pas. Nous devons, en parallèle, par comparaison avec nos voisins européens, améliorer le rapport qualité-prix de notre production et notre positionnement de gamme. Pour cela, nous devons impérativement miser sur l'amélioration de notre appareil productif. C'est pourquoi nous investissons massivement dans l'innovation. Nos entreprises, pour être plus compétitives, doivent monter en gamme, produire des produits plus innovants et plus facilement exportables. Nous avons donc sanctuarisé le crédit d'impôt recherche. Nous avons également augmenté les crédits pour le dispositif de la jeune entreprise innovante, dont l'efficacité économique a été largement démontrée.

Par ailleurs, nous avons instauré un fonds pour l'innovation et l'industrie, qui est doté de 10 milliards d'euros et permet de dégager chaque année 250 millions d'euros de marge de manoeuvre pour investir dans des innovations de rupture comme l'intelligence artificielle ou le stockage des énergies renouvelables ; ce fonds sera financé grâce à la cession d'actifs détenus par l'État, notamment dans Aéroports de Paris et La Française des jeux. Derrière cette orientation, il y a le souhait de se comporter en État stratège dans notre activité d'actionnaire. L'État actionnaire investit dans l'avenir et protège notre souveraineté. Investir dans l'avenir, c'est comprendre que le rôle de l'État n'est pas de récolter des dividendes mais de financer les technologies qui feront la croissance de demain. Tel est l'objet de ce fonds d'innovation de rupture.

Protéger notre souveraineté, c'est rester actionnaire dans les domaines où l'intérêt général est en jeu, comme le nucléaire ou la défense. L'État doit protéger ces actifs stratégiques. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons renforcé, dans le projet de loi PACTE, le décret sur les investissements étrangers en France. J'élargis le propos car toutes ces petites pièces forment une politique cohérente qui offre une vision globale.

Investir dans l'avenir, c'est non seulement accompagner les innovations de rupture mais également numériser et robotiser le plus grand nombre de PME. Notre tissu productif est un peu en retard, je le répète, et toutes les PME doivent pouvoir être accompagnées, poussées en avant. Le dispositif de suramortissement que nous mettons en place répond à cet enjeu. Concrètement, cela représentera jusqu'à 11 % de baisse du coût de l'investissement, par exemple dans des machines de fabrication additive – c'est-à-dire des imprimantes 3D – , des logiciels de gestion de la production ou encore des capteurs connectés.

Enfin, pour la première fois, la mission « Économie » alloue 175 millions d'euros de crédits de paiement au plan France très haut débit, manifestant notre engagement sur ce sujet, auquel je sais combien vous êtes également sensibles, voire sourcilleux ! Un amendement gouvernemental propose de relever les crédits du programme 134 de 10 millions d'euros pour financer l'inclusion numérique, qui est également un enjeu primordial.

La transformation économique du pays passe également par celle de l'action publique, qui doit devenir plus efficace, plus efficiente, plus proche du terrain. Le ministère de l'économie et des finances se doit évidemment d'être exemplaire sur ce point : on ne peut pas faire la leçon aux autres si l'on n'applique pas soi-même ces principes.

Nous avons donc décidé d'arrêter, de transférer ou de fusionner les dispositifs qui ne relevaient plus de l'État et pouvaient être assumés par d'autres acteurs. Ainsi, le FISAC, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, ne financera plus de nouveaux projets. Cette décision est cohérence avec la compétence donnée aux régions en matière de développement économique depuis la loi NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République. En effet, ce sont les régions et les collectivités qui connaissent le mieux leur territoire ainsi que les besoins et les projets de leurs entreprises de proximité. L'État n'a plus vocation à piloter, de manière hors-sol, les financements relatifs à l'artisanat ; les régions et les collectivités, aidées dans l'accompagnement des zones les plus fragiles par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, seront plus légitimes et plus efficaces.

Deuxièmement, afin de rendre notre action plus lisible, l'Agence France entrepreneur rejoindra Bpifrance en 2019. Vous avez tous entendu des chefs d'entreprise pester en cherchant le guichet unique, censé les accompagner. Le soutien à l'export de nos entreprises sera simplifié et son efficience, améliorée avec la création d'une assurance prospection plus attractive – 50 % d'avance payés sur les dépenses de prospection – mais plus responsabilisante puisqu'il faudra en rembourser au minimum 30 %. La gouvernance du dispositif de soutien à l'export sera également optimisée et simplifiée grâce à l'installation d'un correspondant unique à l'étranger et d'un guichet unique. Dans cette même logique d'efficacité et de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, nous allons engager une réforme ambitieuse de la direction générale des entreprises, qui sera recentrée sur ses missions stratégiques : l'accompagnement des entreprises en difficulté – en priorité les PME industrielles – , le développement des filières stratégiques et l'innovation, avec notamment la participation aux instances de gouvernance des écosystèmes d'innovation. Cette évolution impliquera de réduire les effectifs du réseau déconcentré de la DGE de 330 ETP – équivalents temps plein – , une baisse qui s'étalera sur trois ans, avec un accompagnement.

Pour conclure, les crédits de paiement sont stables, en dépit de l'effort de 175 millions d'euros dans le cadre du plan France très haut débit. Cette stabilité traduit notre volonté de mieux cibler les aides et de les rendre plus efficaces afin d'améliorer l'efficience de notre gestion publique.

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