Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du lundi 22 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 37 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer :

… qui a livré un rapport lucide et éclairant identifiant les points forts de la politique budgétaire communautaire et les domaines dans lesquels des réformes sont nécessaires. L'exercice n'est pas facile : nous savons combien le budget européen manque parfois de lisibilité et de transparence.

Le débat que nous avons aujourd'hui est primordial. Par-delà l'examen du montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne, il fournit l'occasion d'évoquer plus généralement les choix budgétaires de l'Union ainsi que son orientation et son avenir. En augmentation de 8,1 % par rapport à l'exercice 2018, la participation française au budget de l'Union atteint 21,5 milliards d'euros en 2019.

Pour l'essentiel, cette augmentation est due à un rattrapage par rapport à l'année précédente, caractérisée par un prélèvement européen exceptionnellement faible. Ainsi, l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019 conforte la France dans son rôle de contributeur majeur au budget européen et poursuit la progression tendancielle observée depuis plus de vingt ans.

Par ailleurs, il s'inscrit – comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – dans un contexte tout particulier, caractérisé par le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, prévu le 30 mars 2019, par les élections au Parlement européen, prévues au mois de mai 2019, et par l'installation d'une nouvelle Commission, alors même que l'Europe devra faire face à des défis majeurs.

Le Brexit et ses conséquences sur la participation du Royaume-Uni – troisième contributeur net au budget de l'Union européenne – aux programmes européens font planer sur le prélèvement européen plusieurs incertitudes. Le Royaume-Uni continuera-t-il à contribuer au cadre financier et au budget européens en 2019 ? La question n'est pas anodine. En effet, si tel n'était pas le cas, la contribution de la France pour 2019 se verrait considérablement augmentée – d'un montant probablement compris entre 1 et 2 milliards d'euros, d'après les estimations de la direction du budget du ministère de l'économie et des finances.

Il n'est nullement question pour autant de remettre en cause notre effort de solidarité, qui est pleinement justifié si nous voulons répondre aux nombreux défis que l'Union européenne doit désormais affronter.

Le fonds européen de la défense sera doté de 13 milliards d'euros. L'Union européenne mène d'ores et déjà des missions ou opérations militaires – cinq en Afrique et une dans les Balkans – dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune.

L'Europe de la défense, c'est également la construction d'une base industrielle et technologique de défense. Compte tenu de la concurrence qui existe dans ce secteur, l'Europe a besoin de mettre en commun les compétences et l'innovation, et de se concentrer sur la recherche du gain partagé. C'est dans cette optique qu'a été institué un programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense : il permettra de soutenir la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie européenne de défense.

Ici encore, c'est notre souveraineté qui est en jeu : si nous n'investissons pas dans une industrie de défense européenne, nous n'aurons pas les moyens de mettre en oeuvre notre projet commun ; nous serons à la merci d'une superpuissance.

Le changement climatique est un autre défi de taille ; il nécessite des investissements qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique commune ambitieuse. L'objectif de l'Union est de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre, par rapport au niveau de 1990, à l'horizon 2030 ; la réduction devrait atteindre 80 % à l'horizon 2050. Dans ce domaine-là également, notre pays doit jouer un rôle moteur, car le dérèglement climatique nous concerne tous.

Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 devrait être adopté idéalement, selon la Commission européenne, avant les élections européennes de mai 2019. Cette date butoir peut sembler prématurée, en raison des points de désaccords qui subsistent.

Parmi ceux-ci, cela a été plusieurs fois indiqué, figure au premier chef la diminution de l'ordre de 5 % des moyens alloués à la PAC. Une telle baisse du financement de la première politique européenne, garante de la sécurité et de la souveraineté alimentaires de l'Union, n'est pas acceptable. Une majorité d'États membres – vingt sur vingt-sept – ont d'ailleurs rejoint l'initiative de la France et demandent le maintien à son niveau actuel du budget alloué à la PAC. Le Parlement européen a également dénoncé la baisse des fonds affectés à la PAC, comme d'ailleurs de ceux qui sont alloués à la cohésion – j'y reviendrai. La diminution du budget de la PAC provoquera, à n'en pas douter, la colère des agriculteurs européens et fragilisera la viabilité des exploitations, en contradiction avec les efforts de réforme demandés à celles-ci dans le même temps. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est fondamentalement pro-européen ; mais nous n'accepterons jamais que d'un côté nous donnions plus au budget européen, et que d'un autre côté les agriculteurs soient moins accompagnés.

Il en va de même de la diminution – de 6 % – des dépenses affectées à la politique de cohésion, dénoncée il y a deux semaines en commission des affaires étrangères par mon collègue Christophe Naegelen. Notre pays a toujours été favorable à une politique européenne de solidarité et de cohésion destinée à accompagner les transitions économiques et sociales pour tous les territoires. Au lieu d'une diminution, c'est une plus grande équité qu'il faut à cette politique ; il convient de donner plus de poids à de nouveaux critères sociaux, économiques et territoriaux, comme par exemple le taux de chômage.

La réduction des crédits alloués à ces deux politiques risque de porter préjudice principalement aux petites villes et aux territoires ruraux, qui souffrent le plus de la mondialisation et de la concentration des investissements sur les métropoles. Ces divergences, sur des sujets aussi primordiaux, rendront difficile de parvenir à un accord sur le cadre financier pluriannuel dans les délais impartis.

On ne peut débattre du prélèvement européen sans évoquer la nécessaire réforme du financement du budget de l'Union ; à terme, la France appelle de ses voeux un véritable budget de la zone euro, avec des recettes et des dépenses permanentes. Cette réforme ne sera rendue possible que si nous trouvons de nouvelles ressources propres et si nous supprimons les rabais dès 2021, comme le demande la France. Il s'agit là d'une condition de la consolidation de l'Union économique et monétaire.

Madame la présidente de la commission des affaires étrangères, vous avez pointé le manque de transparence du budget communautaire. C'est en effet un écueil majeur pour l'accès du citoyen à l'information comme pour l'intelligibilité des orientations de l'Union. Une plus grande transparence et une meilleure lisibilité du budget constitueront un gain démocratique indéniable. Ce sont autant de préalables à la flexibilité qui permettrait de moduler rapidement les priorités budgétaires en fonction des évolutions ou des urgences.

Enfin, au-delà de l'aspect strictement budgétaire, je ne peux terminer mon propos sans évoquer la nécessité de défendre les intérêts des pays et territoires d'outre-mer. Après le Brexit, l'Union européenne ne sera plus présente dans la zone Pacifique que grâce aux trois PTOM français : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna.

Lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie, au mois de mai dernier, le Président de la République a affirmé sa volonté de construire un axe indo-pacifique fort entre Paris, New Delhi, Canberra, Nouméa et Papeete. Il nous semble également essentiel que l'Union européenne examine les demandes d'évolution de statut formulées par les PTOM dans le cadre des accords et négociations post-Cotonou, afin de renforcer sa présence et son rayonnement dans cette zone.

Sous ces quelques réserves, et tout en demeurant vigilant, notamment en ce qui concerne les menaces qui planent sur la politique agricole commune, le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur de l'adoption de l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019.

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