Intervention de Liliana Tanguy

Séance en hémicycle du lundi 22 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 37 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLiliana Tanguy, suppléant Mme la présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur d'information, mes chers collègues, c'est un honneur pour moi de m'exprimer devant vous en ma qualité de vice-présidente de la commission des affaires européennes, à propos du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Il convient tout d'abord de rappeler que ce prélèvement ne représente en rien une dépense anodine mais consacre, au contraire, la pleine participation de la France à l'Union européenne et traduit donc l'attachement que notre pays porte à la construction de l'Europe. L'article 37 du projet de loi de finances fixe le montant des prélèvements rétrocédés par la France au profit du budget de l'Union. Au sens strict du terme, on ne parlera pas de dépenses mais bien d'une diminution des recettes de l'État.

Évalué cette année à 21,5 milliards d'euros, contre 19,9 milliards d'euros en 2018, ce prélèvement est en hausse de 8,1 %. Mais le montant réel de la contribution française ne sera connu que d'ici à quelques semaines puisqu'il est déterminé par l'exécution effective du budget européen. Il serait important de réfléchir, dans la perspective du prochain cadre financier pluriannuel, à une articulation plus cohérente entre les budgets nationaux et les budgets européens afin d'améliorer la lisibilité des choix budgétaires. Cette clarification permettrait à nos concitoyens une meilleure compréhension des enjeux liés aux choix budgétaires.

La présente discussion sur le prélèvement sur recettes se déroule dans un contexte politique européen très particulier car l'actuel cadre financier pluriannuel, qui fixe les dépenses de l'Union européenne depuis 2014 et pour une durée de sept années, est sur le point de s'achever : sept années marquées par une très forte évolution des enjeux et des priorités politiques et économiques, tant à l'échelle mondiale qu'à l'échelle européenne. Le CFP actuel, applicable sur la période 2014-2020, négocié dans le cadre de la crise des dettes souveraines, laisse ainsi place à de nouvelles négociations budgétaires qui doivent répondre à des enjeux très différents : écologie, flux migratoires, Brexit, renforcement de la zone euro et de la sécurité intérieure, autant de défis pour lesquels la France ne peut agir seule.

Nous ne devons pas oublier, par ailleurs, que ce budget sera aussi le premier de l'Union à vingt-sept États, doté d'un nouveau Parlement et d'une nouvelle Commission, dans un contexte de défiance vis-à-vis de l'Union européenne. La sortie du Royaume-Uni induit la fin de la participation du troisième contributeur net au budget de l'Union, à hauteur de 12,7 milliards d'euros par an.

La question fondamentale à se poser avant de voter est la suivante : quelle Europe voulons-nous pour demain ? C'est la question que nous nous sommes posée lors des consultations citoyennes qui vous sont si chères, madame la ministre. Je m'engage pour ma part résolument en faveur d'une Europe forte, seule capable de nous permettre de répondre collectivement et efficacement à l'ensemble de ces défis. Selon la dernière enquête Eurobaromètre du Parlement européen, en date du 17 octobre dernier, 64 % des Français sont convaincus que leur pays tire bénéfice de l'adhésion à l'Union européenne. Dans ce contexte, la contribution française et le prochain cadre financier pluriannuel doivent constituer des instruments ambitieux et modernes de mise en oeuvre des nouvelles priorités d'action européenne. Nous devons tirer les enseignements des crises afin de nous doter d'instruments adaptés pour réaliser nos objectifs.

Il y a six mois, la Commission européenne présentait ses propositions pour le CFP post-2020, qui constituent un premier pas vers la refondation européenne que nous défendons. Prenons quelques exemples.

Le plan d'investissement pour l'Europe, plus connu sous le nom de « plan Juncker », figure parmi les succès européens. II a pratiquement atteint son but : plus de 600 000 PME, dans toute l'Europe, bénéficient de conventions de financement. La réussite de ce fonds a permis un accord entre les institutions européennes visant à l'étendre et à passer d'un objectif de 315 milliards d'euros d'investissement à 500 milliards d'ici à 2020.

Une nouvelle ligne budgétaire est, par ailleurs, consacrée au programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense. Cette première phase, à vocation exploratoire, est amenée à se traduire, dans le CFP 2021-2027, par un fonds européen de la défense, abondé à hauteur de 13 milliards d'euros. Dans le contexte géostratégique actuel, l'Union européenne s'apprête bel et bien à fournir un effort sans précédent pour son autonomie stratégique.

Il est également question de faciliter la mobilité des Européens, en particulier celle des jeunes, étudiants, actifs ou chômeurs, pour qui cette expérience est si déterminante. Le programme Erasmus +, qui permet aux jeunes Européens de voyager, d'étudier et de se former au contact d'autres cultures et d'autres manières de travailler, bénéficiera d'une hausse de plus de 10 % en 2019. Cet effort financier s'inscrit pleinement dans le projet d'une croissance durable et inclusive en Europe, pour tous les Européens.

Enfin, dernier exemple, les propositions de la Commission intègrent dans le futur exercice budgétaire des aides en faveur des réfugiés en Turquie. La déclaration entre l'Union européenne et la Turquie, adoptée en 2016, a permis de réduire fortement le flux de réfugiés qui tentaient de traverser la Méditerranée au péril de leur vie. La contribution de l'Union européenne, qui approchera 1,5 milliard d'euros l'an prochain, permettra donc la fourniture de nourriture, d'hébergement et de services d'éducation aux personnes qui fuient le conflit syrien. Elle se doublera par ailleurs d'engagements, à hauteur de 560 millions d'euros, pris lors de la conférence de Bruxelles II en avril 2018, destinés à aider les pays limitrophes comme le Liban et la Jordanie. L'augmentation des crédits de la rubrique « L'Europe dans le monde » démontre que l'Union européenne agit résolument contre les causes profondes des migrations et mène une politique active de refuge et d'asile.

Cependant, ces propositions ne suffisent pas, l'augmentation de la contribution française au budget européen n'est qu'un début. Nous ne pouvons nous contenter d'un budget européen représentant seulement 1 % de la richesse produite chaque année par les États membres. C'est à ce titre que je salue les propositions innovantes de la Commission européenne visant à moderniser le prochain budget, en augmentant les ressources propres par des recettes issues d'un impôt harmonisé sur les sociétés, une taxation des quotas d'émission carbone ou encore une contribution pour compenser le non-recyclage des plastiques. En adoptant de telles mesures, L'Union européenne et le Gouvernement réaliseraient une avancée notable dans la lutte contre le dérèglement climatique mais aussi contre la pollution plastique. Ayant conscience de la difficulté d'aboutir à un accord unanime des vingt-sept États membres, l'Europe parviendra malgré tout, grâce aux efforts qu'elle fournira dans ce combat, à respecter ses engagements en faveur de la transition écologique.

La France doit être en première ligne pour défendre un sursaut budgétaire européen en faveur d'une Europe plus souveraine, capable de s'assumer comme puissance à part entière. Nous avons déjà accompli un premier pas en ce sens, en proposant à nos partenaires européens de compléter le dispositif des ressources propres par une taxe intermédiaire sur les activités numériques. Nous, parlementaires nationaux, avons également notre rôle à jouer dans ces changements profonds et devons assumer des transferts de souveraineté. Nous allons contribuer aux réflexions sur l'avenir général de l'Union européenne. Le semestre européen de coordination des politiques économiques et budgétaires nous en donne une belle occasion. Il nous appartient de participer à l'amélioration du degré de mise en oeuvre des recommandations par pays, en nous démarquant de la politique budgétaire menée par l'Italie, qui ne respecte pas ses engagements tels qu'ils sont inscrits dans le pacte de stabilité.

Enfin, je me permets d'insister sur l'importance du défi électoral de mai 2019, qui déterminera une nouvelle donne politique. La mise en péril de l'entrée en vigueur du CFP au 1er janvier 2021 entraînerait mécaniquement des retards dans le renouvellement ou le lancement des programmes. C'est pourquoi il serait souhaitable que les négociations budgétaires qui doivent intervenir après les élections soient rapides et efficaces.

J'en termine, mes chers collègues, en vous invitant à entamer une réflexion sur l'articulation entre la temporalité des élections européennes et celles des négociations budgétaires, pour mettre en cohérence les choix des électeurs et la politique budgétaire européenne.

Je vous invite, en raison de notre fierté légitime à participer à la construction européenne, à voter pour l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019.

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