Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du vendredi 19 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

C'est un article très important, probablement l'un des plus importants, en tout cas sur le plan de l'économie. Je rappelle que la France a été, avec l'Allemagne, du retour de l'OCDE dans le champ fiscal et donc de BEPS. Mais en l'occurrence, je pense qu'avec cet article on se tire une balle dans chaque pied. Je pense que vous avez conscience du problème, monsieur le ministre, et je note que vous aviez d'ailleurs l'année dernière montré à quel point vous étiez vigilant sur ce point. En effet, la localisation de la propriété intellectuelle conditionne en grande partie une part de la localisation des activités. Ce vieux régime des brevets a quasiment un demi-siècle et est à interpréter en relation avec le crédit d'impôt-recherche. C'est donc un mécanisme très puissant de localisation de la recherche et de l'innovation.

Pourquoi l'OCDE a-t-elle fait ce genre de propositions en ce domaine ? Probablement sous la pression de pays qui n'avaient pas intérêt à voir la France développer son attractivité en matière de brevets – je pense à l'Allemagne, mais aussi notamment au Royaume-Uni, qui ont des schémas qui résisteront à l'évolution présente. Ce que vous proposez en l'espèce, à savoir d'une certaine manière la transposition de BEPS, n'est pas la transposition d'une directive européenne ; il ne s'agit pas non plus des suites d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Le législateur a donc plus de liberté. Je comprends, monsieur le ministre, qu'il faille être exemplaire dans le domaine de BEPS si on veut obtenir gain de cause auprès de l'OCDE – je pense notamment à la fiscalité des GAFA – , mais je pense que cela ne doit pas se faire au détriment de l'industrie et, plus globalement, de l'économie française.

J'ai déposé plusieurs amendements. Je ne les défendrai pas personnellement mais je tenais en préambule à l'examen de cet article à les présenter globalement.

Le premier, l'amendement no 1288 , tire les conséquences du fait qu'on ne peut accepter de voir diminuer le résultat soumis au taux réduit alors qu'il risque, du fait des nouveaux mécanismes prévus, de se réduire comme peau de chagrin. Alors qu'en plus, ce n'est pas exigé par BEPS.

Quant au calcul du ratio dit « nexus », il est d'une complexité inouïe, facteur de lourdes charges administratives et source de contentieux extrêmement important pour les entreprises ; il est quasiment kafkaïen. Il faut bien laisser un peu de liberté aux entreprises afin qu'elles puissent calculer ce ratio selon la méthode de leur choix – par actif ou autre – , en excluant en tout cas une méthode imposée. C'est l'objet de l'amendement no 1291 .

Et puis il y a l'histoire des brevetés ou des brevetables non brevetés : le secret des affaires existe, et l'on voit bien que, lorsque les choses sont trop transparentes, que les entreprises sont vite copiées et que la compétitivité n'est plus au rendez-vous.

On doit pouvoir agir sur ce point.

Enfin, si le taux de 10 % qui est proposé est une bonne idée, il ne couvre absolument pas – et il constitue en cela une réponse très insuffisante – votre proposition.

Enfin, une clause de sauvegarde est prévue par l'OCDE : il faut à mon sens qu'on puisse réellement l'appliquer en France. Je vous demande donc, pour toutes ces raisons, beaucoup de vigilance : la position française doit probablement être grandement assouplie.

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