Intervention de Jérôme Nury

Séance en hémicycle du vendredi 14 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte, et je veux moi aussi saluer le ministre et les rapporteurs, d'abord pour leur implication pendant toute la discussion de ce texte et pour les réponses précises qu'ils ont apportées, mais également pour leur passion pour l'agriculture, que nous partageons tous, je le crois, dans cet hémicycle.

Toutefois, un mot me vient à l'esprit ce matin : déception.

Déception, d'abord, sur la forme : nous sommes loin de l'état d'esprit qui avait prévalu en première lecture. Nous avions pu alors travailler ensemble, trouver des voies médianes, dégager des consensus, notamment sur le titre Ier, afin que le texte réponde au mieux à sa vocation économique pour notre agriculture.

Déception ensuite sur le fond, car le compte n'y est pas. Les avancées qui avaient été inscrites dans le texte en première lecture ont été méthodiquement supprimées, enlevées ou détricotées, d'abord en commission, puis dans cet hémicycle.

Les indicateurs, d'abord, ne vont malheureusement pas indiquer grand-chose. Aucune sanction n'est prévue pour obliger à leur mise en place. Quid s'il n'y a pas d'interprofession ? Quid si un acteur de l'interprofession y fait obstacle ? Le médiateur restera, quant à lui, un simple casque bleu au milieu d'une guerre sans merci. Certes, ses conclusions figureront au dossier de saisine du juge des référés, mais il n'aura pas le pouvoir de le saisir directement. Nous restons dans une procédure alambiquée, trop longue et trop compliquée, qui ne protégera malheureusement ni les agriculteurs, ni les organisations de producteurs. Cela veut dire que le coût de production restera un détail dans la fixation des prix et que la mainmise des plus puissants restera en vigueur, au détriment des paysans. La fameuse inversion de la construction des prix n'aura été qu'une chimère, un mirage que l'on a fait miroiter aux agriculteurs à l'issue des états généraux de l'alimentation et lors du discours de Rungis.

Déception sur le fond car le texte cumule les contraintes pour nos producteurs mais également pour nos territoires. Il y a des hausses des coûts de production, la séparation des activités de vente et de conseil, et la mise à mal de toute la filière oeuf. Il y a aussi des contraintes pour les communes, sous couvert de bonnes intentions mais sans moyens supplémentaires. Ce sera un vrai casse-tête à mettre en place, avec l'obligation d'élaborer des menus très complexes et un repas végétarien par semaine.

Nous souhaitions, vous le savez, des indicateurs obligatoires, neutres, objectifs, grâce à l'intervention active de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, mais aussi un médiateur doté de larges compétences, un contrôle effectif des prix et de la distribution, un encadrement des centrales d'achat, bref un État fort qui se fasse entendre et protège les plus faibles, à savoir les paysans.

Ce projet de loi causera une grande déception aux agriculteurs, qui vont vite se rendre compte que rien n'a changé, contrairement à ce qu'on leur avait promis. Tout cela s'ajoutera à la sécheresse de l'été, aux récoltes catastrophiques, à l'annonce des prix en baisse pour la viande et pour le lait.

En conclusion, le triptyque macronien « libérer, protéger et unir » est mis à mal. Pour le coup, il devient très bancal. Libérer ? Oui, la grande distribution restera libre d'écraser les paysans. Unir ? Non, on ne favorisera pas l'union des agriculteurs. Protéger ? Non, on ne protégera pas nos paysans. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce texte.

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