Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi d'abord d'avoir une pensée pour les victimes des attentats et leurs proches et d'exprimer notre reconnaissance aux services de police, de gendarmerie, de renseignement et de défense, qui concourent à notre sécurité en prenant de grands risques.

Quand un État est attaqué, il se défend. L'état d'urgence voté à l'unanimité à la suite de la réunion du Congrès à Versailles, de même que sa constitutionnalisation annoncée alors par le Président de la République, répondait à une nécessité politique et juridique.

Cet état d'exception a été prolongé, on l'a dit, à six reprises, jusqu'à l'engagement pris par le président Macron de le lever le 1er novembre 2017.

Nous avions fait valoir dès 2016, sur le fondement d'excellents rapports de l'Assemblée nationale rédigés dans le cadre du contrôle parlementaire, que l'état d'urgence avait rempli sa fonction et qu'il convenait d'y mettre fin. Tel est le principal objet de ce projet de loi.

Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est bien notre volonté de lutter efficacement contre le terrorisme, en conservant aux forces de police, de gendarmerie et de renseignement les moyens juridiques et matériels qui s'imposent, dans le respect, bien sûr, des libertés individuelles garanties par notre État de droit.

Je n'évoquerai pas les articles du projet de loi : c'est lors de l'examen détaillé des amendements que nous pourrons travailler. Je ferai trois remarques distinctes à propos de la loi et de ses contours.

Premièrement, s'il doit être mis un terme à l'état d'urgence, il est essentiel de projeter sa constitutionnalisation. Nous avons vu les risques d'excès possibles ici même, lors du débat pour son adoption.

Les régimes d'exception que constituent les pleins pouvoirs prévus à l'article 16 et l'état de siège prévu à l'article 36 de la Constitution sont tous deux constitutionnalisés. Il serait dangereux et incompréhensible de maintenir l'état d'urgence hors la loi fondamentale – qui constitue notre pacte social – alors qu'il a été le seul régime d'exception utilisable et adapté à la situation dans laquelle nous nous trouvions.

Cela nous permettra d'y inscrire le contrôle rigoureux de l'Assemblée nationale, laquelle doit donner son accord à la prorogation de l'état d'urgence non seulement en amont, mais aussi en aval, en ayant la capacité de retirer à tout moment au pouvoir exécutif le bénéfice dudit état d'urgence si les circonstances ne le justifient plus. Ce contrôle pourrait d'ailleurs être utilement complété par un travail d'analyse sur le terrain mené par les députés avec les procureurs et les préfets. Certains d'entre nous l'ont fait ces dernières années.

Deuxièmement, je rappelle, ainsi que certains l'ont déjà fait, les mots du président Macron lors du Congrès du 3 juillet 2017 : « Le code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d'anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d'efficacité. »

Je partage cette analyse et me permets d'exprimer ici, à titre personnel, un doute sur la pertinence des articles 3 et 4, qui amplifient, dans le droit commun, le pouvoir de la police administrative en matière de prévention et consacrent le soupçon comme moyen permettant de déclencher des mesures lourdes du point de vue de la liberté personnelle sans certitude quant au bénéfice opérationnel attendu. Les rapports parlementaires sur l'état d'urgence et l'analyse détaillée qu'ils donnent des mesures d'assignation à résidence et des perquisitions rebaptisées permettent cette observation.

À l'instar des lois précédentes, ce texte s'inscrit dans un mouvement qui place la lutte contre le terrorisme en dehors du contrôle de l'autorité judiciaire. L'enjeu est majeur. Cependant, les citoyens nous demandent de tout mettre en oeuvre pour prévenir le risque d'attentat. Aussi, au bénéfice du doute et parce que votre tâche est immense, monsieur le ministre d'État, nous ne demanderons pas la suppression de ces articles. Néanmoins, en contrepartie du caractère exorbitant de ces dispositions concernant l'organisation judiciaire, nous demanderons le maintien d'un contrôle parlementaire de même nature que celui que nous avions mis en place en 2015, et non la présentation d'un rapport annuel, ainsi que j'ai pu le lire. Ce contrôle se justifie – nous en avons parlé.

Troisièmement, pour reprendre une expression de Jean-Jacques Urvoas, quelques articles de ce texte appartiennent à la catégorie des « fonds de tiroir ». Je pense en particulier à l'article 10, qui est particulièrement bavard, ce qui traduit la difficulté rencontrée de maintenir les contrôles tels qu'ils sont prévus sans encourir la censure du Conseil constitutionnel. Cet article mériterait, à mon sens, d'être réécrit. Il mêle, sans que personne ne s'en étonne, le droit des étrangers, la criminalité et la lutte contre le terrorisme, ce qui rendra très difficile le travail du juge.

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