Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et monsieur les rapporteurs, au terme de ce marathon législatif, nous sommes amenés, madame la ministre, à regretter deux choses : l'impréparation de votre projet de loi et sa déconnexion de la réalité.

L'impréparation manifeste du texte, notre assemblée en a particulièrement souffert depuis le début de l'examen.

Sur la forme, tout d'abord, nous avons rapidement cessé de compter le nombre d'amendements déposés nuitamment par le Gouvernement – des amendements qui, de surcroît, modifiaient lourdement l'équilibre du texte. Je dois vous le dire : ce ne sont pas des méthodes à même d'installer un climat démocratique apaisé. Il s'agit d'un grave manque de respect des droits de l'opposition, et aussi d'un profond manque de respect du dialogue social. Les organisations syndicales, qui ont été contournées ou désavouées tout au long des débats, ne sont plus considérées par vous, par ce « nouveau monde », comme des partenaires sociaux.

Sur la forme encore, je ne reviendrai pas sur les délais extrêmement serrés qui nous ont été imposés pour amender et examiner ce texte. J'insisterai plutôt sur le réflexe pavlovien qui caractérise votre méthode et qui consiste à renvoyer sans cesse à des ordonnances.

Nous parlons pourtant là, mes chers collègues, d'un texte fondamental tant pour l'avenir de nos compatriotes les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi que pour celui de milliers de nos jeunes. Malgré son importance, vous nous avez présenté, madame la ministre, un texte accompagné d'une étude d'impact pour le moins parcellaire, des amendements aux exposés plus que sommaires et des réponses souvent peu convaincantes à nos questions, notamment s'agissant de la conversion en euros des heures de formation ou de la suppression du compte individuel de formation.

Tout cela m'amène au fond. Je n'entrerai pas dans le détail, je ne referai pas le débat, mais nous continuons à nous interroger sur les apports réels qu'aura ce texte pour nos concitoyens. Dans les heures qui viennent, nous continuerons, de guerre lasse, à vous proposer des amendements, sans nous faire trop d'illusions sur le sort que vous leur réserverez. En effet, seuls 0,5 % des amendements que nous vous avons, toutes oppositions confondues, proposés en première lecture ont été adoptés. Certes, nous nous inscrivons dans une opposition à votre politique, mais de là à considérer que plus de 99 % de nos propositions seraient illégitimes ! Il y a manifestement là un manque de considération pour l'opposition que nous formons.

J'évoquais un texte déconnecté de la réalité. J'en prendrai comme illustration l'exemple ultramarin – j'aurais tout aussi bien pu prendre celui de vos relations avec les syndicats ou les représentants des régions. Cet exemple montre que, par une verticalité assumée, vous mettez en oeuvre des réformes hors-sol qui, tôt ou tard, prouveront leur inefficacité, voire leur dangerosité pour les droits de nos concitoyens.

Nous vous l'avons dit et répété : votre réforme sera inapplicable outre-mer. Cet état de fait, vous l'aviez pourtant vous-même reconnu dès votre première audition en commission et il a été confirmé par l'Association des régions de France. Pour toute réponse, et en dépit de l'excellent travail fourni par notre délégation aux outre-mer et ses trois co-rapporteures, vous avez décidé de rejeter les amendements proposés, sauf deux, et de nous renvoyer, qui vers un décret pour définir « les modalités particulières d'application relatives aux dispositifs et au financement de la formation professionnelle » dans nos territoires, qui vers une ordonnance pour « adapter les dispositions » du texte aux collectivités d'outre-mer.

Madame la ministre, je n'ai pas pour habitude de lâcher la proie pour l'ombre. Je vous le dis clairement : le transfert dans nos outre-mer de la gestion des centres de formation d'apprentis aux branches professionnelles aurait mérité un traitement spécifique, qui soit discuté dans cette enceinte et non dans le cadre de négociations ministérielles – quoique je reconnaisse que vous avez promis de tenir compte des parlementaires et de les associer à ces discussions. Compte tenu de la structure du marché du travail outre-mer, des spécificités du service public de la formation chez nous et de son coût, la nouvelle organisation et le nouveau financement de la formation professionnelle dans nos outre-mer auraient mérité une discussion et un examen poussé des amendements que nous vous avons proposés.

Au sujet de nos territoires, le Gouvernement ne cesse de nous parler de différenciation et de réflexe outre-mer. Pourtant, force est de constater que vous n'avez pour eux ni ambition ni vision, et qu'on ne note aucune traduction législative d'une quelconque action en leur faveur.

Madame la ministre, nous voici désormais dans la dernière ligne droite. J'ose croire qu'au bénéfice de la navette parlementaire, vous pourrez apporter des réponses à l'ensemble de nos questions et que nos discussions vous permettront de donner des avis favorables aux propositions de l'opposition, afin que cette réforme soit vraiment utile à nos compatriotes.

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