Intervention de Moetai Brotherson

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMoetai Brotherson :

Le rapport du Sénat en date du 4 avril 2018, disais-je, a rappelé que la ratification de cette ordonnance est indispensable à la bonne marche de l'Autorité polynésienne de la concurrence.

Le consensus trouvé au Sénat sur ces questions est un exemple de la richesse des débats parlementaires, mais nous ne devons pas pour autant nous éloigner du rôle des députés, qui est de contrôler l'action du Gouvernement et l'efficacité de la loi. C'est pourquoi, je regrette, avec de nombreux collègues, que les différents décrets mentionnés dans l'ordonnance aient tardé à être élaborés.

Nous nous inquiétons plus encore de l'instauration, par le Gouvernement de la Polynésie française, d'une nouvelle barrière à une concurrence bénéfique, en l'occurrence un égal accès à une activité productive pour tous les acteurs.

Alors que le législateur est prêt à fournir les moyens suffisants à la bonne régulation du marché, la faculté pour le président de la collectivité de pouvoir évoquer une affaire nous fait douter de la pleine efficacité du dispositif. Cette faculté est d'autant plus critiquable qu'elle contraindra même l'action de l'Autorité de la concurrence nationale lorsque celle-ci sera appelée pour enquêter sur certaines affaires. En effet, l'article 2, introduisant un article 9 bis à l'ordonnance ratifiée, soumet l'Autorité de la concurrence nationale aux mêmes conditions que celles qui s'imposent à l'Autorité polynésienne de la concurrence. En cas de demande d'enquête par l'Autorité polynésienne de la concurrence à l'Autorité de la concurrence nationale, l'évocation de l'affaire aura pour effet de disqualifier, voire de décrédibiliser l'action des deux autorités.

À cela s'ajoute une autre loi de pays permettant de ne pas soumettre un marché passé entre l'administration territoriale et une entité contrôlée par elle aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Sur un territoire où règnent déjà d'anciens monopoles qui ont tendance à freiner le dynamisme économique, la manoeuvre est discutable et peut paraître en contradiction avec ce que nous prônons au travers de la ratification de cette ordonnance.

Malgré tout, nous souhaitons respecter le choix des Polynésiens qui ont élu leurs représentants et, avec eux, la manière dont la société locale doit se bâtir. La confiance est le premier pas vers une responsabilisation de la collectivité. Nous devons honorer l'engagement constitutionnel de la nation française en faveur de l'autonomie de la Polynésie, mais il est également de notre responsabilité d'apprécier l'efficacité de la loi et de relever les incohérences éventuelles.

Allons donc jusqu'au bout du processus engagé, mais restons vigilants pour le bien de la Polynésie.

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