Intervention de Philippe Latombe

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe MODEM et apparentés accueille avec intérêt ce projet de loi ratifiant l'ordonnance no 2017-157 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence.

Le droit de la concurrence fait aujourd'hui partie des éléments structurant les relations économiques. Il s'agit donc d'un droit d'une particulière importance dans un monde globalisé où les relations économiques se sont démultipliées ces dernières années. C'est un droit jeune qui, à ce titre, a encore vocation aussi bien à évoluer du point de vue de sa substance juridique même, que de voir s'étendre son champ d'application territorial.

Malgré la jeunesse de ce droit, les objectifs qu'il poursuit sont fondamentaux aussi bien pour la viabilité économique de l'ensemble des acteurs qui y sont soumis que pour le bien-être des consommateurs. En effet, une économie sociale de marché hautement compétitive, par ailleurs consacrée par l'article 3 du traité de l'Union européenne, demeure une structure économique favorable à une concurrence saine et à la pleine expression des mérites des acteurs économiques.

À cet égard, la Polynésie française constitue un marché insulaire de petite taille, peu attractif pour les acteurs économiques, notamment en raison de son éloignement des centres de production. Ainsi, ce territoire, naturellement peu enclin à une concurrence saine, mais au contraire favorable aux oligopoles et monopoles, est marqué, comme pratiquement toutes les économies insulaires, par des prix élevés dans le secteur de la distribution, notamment alimentaire.

Cet état de fait rendait indispensable l'élaboration d'un droit de la concurrence applicable à la Polynésie française, alors que le droit de la concurrence français n'y est pas directement applicable et que le droit européen de la concurrence n'a pas vocation à s'y appliquer au regard de l'ultrapériphéricité de ce territoire.

C'est la raison pour laquelle la Polynésie française, par deux lois du pays du 23 février et du 14 avril 2015, a décidé de renforcer considérablement son droit de la concurrence en créant notamment une Autorité polynésienne de la concurrence. L'APC a démarré ses activités en juin 2016 et a rendu sa première décision le 6 juillet de la même année sur une opération de concentration dans le secteur de l'hôtellerie. Depuis sa création, l'APC avait, au 31 décembre 2017, rendu onze décisions en matière de concentration, deux décisions en matière de surfaces commerciales et aucune au sujet de pratiques anticoncurrentielles malgré onze avis formulés. S'il est encore tôt pour dresser un bilan de son activité, nous tenions à saluer les premiers retours positifs concernant l'APC : la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et les positions monopolistiques abusives apparaissent favorables aux consommateurs et aux investisseurs.

Toutefois, si l'Autorité polynésienne de la concurrence demeure une structure fondamentale pour l'application effective d'un droit de la concurrence en Polynésie française, elle se révèle être, en l'état actuel, insuffisante à assurer une pleine régulation des relations commerciales du marché polynésien français.

En effet, si le droit de la concurrence compte parmi les compétences de la Polynésie française, la loi du pays instituant un code de la concurrence local ne pouvait cependant ni inclure des dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête des agents de l'APC ou aux contrôles, ni préciser les voies de recours applicables à l'encontre de ses décisions, l'État conservant sa compétence dans ces domaines.

Afin de contourner l'obstacle que constituait cette répartition des compétences, le Gouvernement, par l'ordonnance no 2017-157, a fait le choix de compléter le droit de la concurrence en Polynésie française en comblant ces lacunes. Cette ordonnance compte donc quatorze articles, inspirés du livre IV du code de commerce, relatifs au droit pénal, aux procédures pénale et administrative, à l'organisation judiciaire, venant compléter et renforcer les moyens d'action d'une APC qui se doit d'être en mesure d'assurer ses missions de contrôle et de sanction.

Nous tenions par ailleurs à saluer l'introduction de deux articles par le Sénat. Ainsi, un nouvel article 2 vient organiser la coopération entre l'APC et les autorités nationales compétentes ; préciser la compétence de la Cour d'appel de Paris pour connaître des recours formés contre les décisions de l'APC en matière de pratique anticoncurrentielle ; fixer un délai de recours d'un mois par principe, par analogie stricte analogie avec les règles applicables à l'Autorité de la concurrence nationale et à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.

Un nouvel article 3 rétablit, quant à lui, l'obligation pour les membres des autorités administratives indépendantes créées par la Polynésie française et par la Nouvelle-Calédonie de transmettre une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, par cohérence avec le régime national des autorités administratives indépendantes.

Enfin, lors de l'examen en commission des lois dans notre assemblée, un article additionnel a été créé, afin d'actualiser et d'étendre les dispositions du code de commerce relatives aux pouvoirs d'enquête en matière de concurrence aux agents assermentés de la Direction des affaires économiques et de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie afin qu'ils disposent de tous les moyens nécessaires à la constatation des infractions prévues par le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.

Nous soulignons que ces ajouts constituent des outils juridiques primordiaux pour le plein exercice des missions confiées à l'APC et à l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie, ainsi que pour le plein respect du droit de la concurrence dans les territoires d'outre-mer.

Adopter ce projet de loi constituerait une étape supplémentaire de la dynamique que porte la Polynésie française en matière de concurrence, comme le montre la loi du pays du 14 mars 2018 interdisant les droits exclusifs d'importation et instituant une procédure de clémence minorant les sanctions pécuniaires prononcées à l'encontre d'un opérateur économique en cas de dénonciation d'une pratique anticoncurrentielle à laquelle il a pris part.

Ce projet de loi est indispensable à une structuration saine des relations économiques de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et nous nous félicitons d'en être partie prenante. La version du texte issue de la commission correspond totalement aux attentes du groupe MODEM et apparentés en la matière. Pour toutes ces raisons, nous voterons avec conviction ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.