Intervention de Pascale Mathieu

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Pascale Mathieu, présidente de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes :

Monsieur Chamboredon, nous nous rejoignons sur beaucoup de points.

Je commencerai par les pratiques avancées, qui faisaient l'objet de votre première question, monsieur le rapporteur. Je suis très préoccupée quand je vois ce qui se passe pour les infirmiers. J'ose à peine imaginer comment travailler pour les pratiques avancées en kinésithérapie. Nous avons beaucoup d'idées, nous avons beaucoup de projets, mais les freins et les corporatismes me font craindre une longue bataille avant de voir un texte émerger, qui sera de toute façon complètement vidé de son sens. Notre profession est soumise à un socle de cinq années d'études, ce qui correspond aux termes du rapport Hénart-Berland définissant les métiers qui pouvaient accéder à des professions médicales à compétence définie et à des professions intermédiaires dans la santé.

Nous pourrions imaginer des kinésithérapeutes de pratique avancée, par exemple pour toutes les maladies chroniques respiratoires, puisque nous avons une forte compétence en kinésithérapie respiratoire sur les bronchopathies chroniques obstructives. Ils pourraient effectuer les épreuves fonctionnelles respiratoires et les interpréter. Une expérimentation a été conduite pour proposer un dépistage de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), en demandant une mesure du flux expiratoire en cabinet libéral, avec de petits débitmètres de pointe. Une sorte de guerre a eu lieu entre les pneumologues et les généralistes, les pneumologues ne voulant pas que les généralistes effectuent ce dépistage. Quand les kinésithérapeutes ont proposé de participer au dépistage, on leur a dit que ce n'était pas le moment, parce qu'il y avait un problème entre médecins. Finalement, ce fut un échec cuisant, puisque rien n'a été fait.

Pour les pratiques avancées, les kinésithérapeutes sont les prochains concernés. J'étais avant-hier en réunion sur l'universitarisation avec le groupe de travail de M. Le Bouler qu'évoquait M. Chamboredon. Je fais partie du comité de suivi : il nous a été dit que l'universitarisation serait le prochain chantier et que nous y serions inclus. Nous avons beaucoup d'idées, nous attendons et nous verrons.

Vous avez évoqué les mesures de régulation. Elles sont récentes pour les kinésithérapeutes et ont été mises en place avec un processus incitatif, sur laquelle reviendra M. Dumas, qui le connaît bien. Elles seront applicables au 1er juillet prochain pour les kinésithérapeutes libéraux – le texte ayant été retoqué pour un problème de légalité.

Comme M. Chamboredon, nous ne comprenons pas que ce soit le payeur, à savoir l'assurance maladie, qui assure la régulation territoriale. Ce sont des logiques de coûts, non des logiques de santé publique, qui présideront à cette régulation. Cela me paraît complètement déconnecté de la réalité : l'assurance maladie prendra des chiffres bruts – le nombre de kinésithérapeutes et le nombre d'habitants sur un secteur, fera une division et donnera les chiffres qu'elle attend. Cependant, le nombre de kinésithérapeutes n'est pas le même dans une zone très industrielle, qui voit les troubles musculo-squelettiques (TMS) se multiplier, ou dans une zone rurale. J'exerce en plein coeur du Sauternais, pas très loin de chez M. le président : les TMS concernent des personnes jeunes, qui travaillent à la vigne. Nous n'aurons pas le même besoin ici que dans d'autres régions. La régulation ne peut pas se faire uniquement sur des critères quantitatifs, déconnectés des réalités médicales.

De plus, seul l'Ordre des kinésithérapeutes suit en temps réel la réalité démographique. Or l'Ordre n'est pas du tout associé à cette régulation, dont je crains qu'elle ne soit pas du tout pertinente.

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