Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Certificats d'économie d'énergie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, si le dispositif des CEE est en théorie pavé de bonnes intentions, il est, dans les faits, peu lisible et laisse une très grande place aux manipulations, aussi diverses et variées soient-elles.

le rapport émis par TRACFIN fait état de fraudes liées aux CEE, remettant en cause l'effectivité de ce qui prend l'apparence de pseudo quotas qui, peu clairs dans leur lecture, permettent à certains de s'affranchir de leurs obligations, au détriment de l'environnement. Par ailleurs, TRACFIN constate dans son rapport de 2017 que « le dispositif des CEE s'apparente à un mécanisme par lequel les grands groupes de l'énergie français sont amenés à financer des réseaux criminels transnationaux », et ainsi des dizaines de millions d'euros disparaissent des caisses de l'État, ce qui est évidemment inadmissible, surtout lorsque des coupes budgétaires sont opérées dans des domaines clés tels que la santé et que, par ailleurs, on laisse fuir des capitaux depuis 2006 au profit de réseaux criminels internationaux.

Vouloir encadrer de plus près les CEE est intéressant. Si certains y voient une opportunité pour se livrer à des opérations frauduleuses et d'escroquerie plutôt que pour effectuer des opérations qui profiteront à tous, cela témoigne d'un véritable problème à la fois de lisibilité mais aussi d'efficacité.

Donner la toute-puissance à la logique du marché pour un objectif d'intérêt général est dangereux, tout au moins si cela n'est pas suffisamment encadré et si les contrôles nécessaires ne sont pas effectués. Il existe aujourd'hui un réel risque de présentation de dossiers fictifs sur le marché dédié aux CEE, sans que les travaux aient été réalisés, le coût d'entrée sur ce marché étant faible pour un délégataire puisque cela ne nécessite que l'obtention d'une délégation par un obligé.

Si les CEE ont d'ores et déjà permis quelques milliards d'économies, il n'en demeure pas moins que la flexibilité du mécanisme laisse une faille béante permettant à certains de ruser plus pour gagner plus et à des personnes mal intentionnées de profiter de l'existence d'un marché pour y exercer des activités illégales. L'ouverture de la quatrième phase du dispositif le 1er janvier 2018 est d'autant plus préoccupante qu'une augmentation importante du volume de CEE était prévue. Selon le rapport de TRACFIN, il « existe un réel risque que les sociétés frauduleuses éludent les sociétés saines et que les CEE indus se substituent aux CEE légitimes ».

Multiplier les textes de loi n'a évidemment de sens que si cela permet à tous de comprendre ce à quoi ils se trouvent obligés ou ceux à quoi ils ont droit. Aucun flou juridique ne devrait être permis si l'on souhaite maintenir que « nul n'est censé ignorer la loi ». Légiférer ne devrait être synonyme non pas de complications mais au contraire de clarté et de simplification. Concernant les CEE, aucun flou juridique ne devrait être permis quant à leur nature juridique, car cela crée des incertitudes sur le plan comptable mais aussi fiscal pour les entreprises. Que fait-on du principe de sécurité juridique ? La loi n'a-t-elle pas justement pour but de sécuriser ? Permettre le flou, c'est ouvrir la porte aux abus.

Par ailleurs, l'extension de la durée de validité d'un CEE délivré par le Gouvernement, passant de trois à dix ans, renforce la logique spéculative dans laquelle ces derniers sont placés, ce qui ne saurait constituer le socle de cette mesure qui a quand même pour finalité de lutter contre la précarité énergétique et de favoriser les économies d'énergies.

On sait qu'en 2016, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique, un peu plus de 5,1 millions de ménages, 12 millions de personnes, étaient touchés par le phénomène de précarité énergétique. Ces chiffres font peur. Quand on sait que 87 % des ménages en situation de précarité énergétique sont logés dans le parc privé, il y a lieu de s'interroger plus largement sur les politiques du Gouvernement en matière de logement des plus vulnérables. De plus, 70 % de ces ménages appartiennent effectivement au premier quartile du niveau de vie et représentent donc les 25 % les plus pauvres de nos compatriotes ; 5 % d'entre eux ont plus de 60 ans, ce qui est inadmissible.

En ce sens, le Parlement devrait être informé et associé à la fixation des objectifs de volume du dispositif des CEE ainsi qu'à ses modalités de fonctionnement, afin de garantir un suivi de la mesure, notamment en obtenant, de la part du Gouvernement, un rapport géographique pour mieux apprécier comment les CEE se répartissent sur le territoire et prendre en compte les dynamiques régionales afin d'optimiser les objectifs et les adapter à la réalité du terrain et de chacun, en fonction des besoins.

La lutte contre la fraude se doit d'être une priorité pour tous, et aucune mesure ne saurait y échapper.

Lutter contre la précarité énergétique est une très bonne chose en soi ; encore faut-il que cette initiative profite réellement à ceux qui en ont le plus besoin et qu'elle ne pousse pas le Gouvernement à fuir ses responsabilités et à déléguer complètement au secteur privé les initiatives de transition énergétique et d'intérêt général.

Forts de ces conclusions, les élus du Rassemblement national voteront la proposition de résolution de notre collègue Julien Aubert.

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