Intervention de Annie Thébaud-Mony

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Annie Thébaud-Mony, sociologue, directrice de recherche à l'Institut national de santé et de recherche médicale (INSERM), membre du GISCOP :

Un mot, encore, sur un sujet qui n'a été abordé qu'en filigrane : celui de la traçabilité des expositions. Un certain nombre d'outils ont été supprimés par les lois Macron, Rebsamen, El Khomri et les dernières ordonnances, notamment les fiches et les attestations d'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), ce qui pose un vrai problème. Je rappelle que le dernier épisode en date est la suppression des risques chimiques dans le cadre du compte pénibilité.

Il a été question du suivi post-professionnel, mais je voudrais aussi mettre l'accent sur le suivi post-exposition. C'est un droit reconnu à la fois par le code du travail et par celui de la sécurité sociale, avec certains aménagements : une personne exposée à un CMR doit être suivie pendant toute sa vie professionnelle et post-professionnelle. Un point était ressorti de la conférence de consensus sur le suivi post-professionnel des personnes exposées à l'amiante, en 1999 : il fallait organiser un droit dans un cadre collectif. On l'a fait à Clermont-Ferrand, en particulier pour les ouvrières d'Amisol. Cette usine historique a fermé ses portes en 1974, mais le collectif des anciennes ouvrières continue à faire l'objet d'un suivi organisé, en lien avec les caisses d'assurance maladie et les consultations de pathologies professionnelles et de pneumologie des services hospitaliers. Pour les autres travailleurs français, en revanche, c'est un droit individuel qui doit être exercé. Mais comment peut-on demander à en bénéficier quand on n'a pas d'informations sur les risques auxquels on a été exposé, que ce soit de la part de son employeur, la plupart du temps, ou des médecins du travail – on le constate souvent, hélas. Un droit existe, mais il est inexploitable en l'état actuel.

Enfin, je voudrais revenir sur le jugement rendu en appel sur la catastrophe AZF, qui concernait aussi des risques industriels. C'est un procès de la sous-traitance : à Paris, comme à Toulouse précédemment, les juges ont relevé que, parmi les infractions commises par les responsables de l'usine, la plus grave était de n'avoir donné aucune information sur les produits dangereux manipulés par les travailleurs sous-traitants. Le droit à l'information est totalement nié aujourd'hui. C'est pourtant un sujet important, en lien avec le sujet de la traçabilité et du droit au suivi post-professionnel, qui est si peu utilisé. Il y a là un gisement pour la recherche : si le suivi post-professionnel était vraiment un droit que les travailleurs peuvent exercer, on aurait une source de données pour des études sur ce qui se passe pendant la vie professionnelle et par la suite, notamment dans la perspective de la prévention secondaire, grâce à l'identification des pathologies issues de l'exposition aux risques.

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