Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Madame la ministre, lorsque vous aviez annoncé, il y a quelques semaines, tout à la fois une révolution copernicienne de l'apprentissage, un big bang de la formation professionnelle et l'avènement d'une assurance chômage universelle, nous avions été nombreux à espérer. Nous avions espéré, parce que nous sommes convaincus de la nécessité d'investir dans les compétences, de promouvoir l'apprentissage et de mieux gérer les transitions professionnelles. Mais force est de constater aujourd'hui que, des mots aux actes, le fossé est immense et que votre réforme déçoit. C'est d'ailleurs la première réforme de la formation professionnelle depuis 1971 qui ne fasse pas consensus. Peut-être est-ce là le résultat d'une méthode de gouvernement qui aura pour le moment essentiellement consisté à malmener la démocratie sociale et les régions.

Mais votre réforme ne se contente pas de décevoir, elle inquiète aussi. Elle inquiète parce qu'elle est tout entière guidée par une vision libérale et anglo-saxonne du marché du travail, que l'intitulé même de votre texte révèle : « liberté de choisir son avenir professionnel ». Est-ce à dire, madame la ministre, que ceux qui demeureraient au chômage après votre réforme l'auraient également librement choisi ?

Pour avoir la liberté de choisir son avenir professionnel, il faut en avoir la capacité effective. Or c'est l'objet même des politiques publiques en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage que de faciliter et d'organiser l'accompagnement vers la formation de ceux qui en ont le plus besoin, les personnes peu ou pas qualifiées, ayant connu des échecs scolaires ou professionnels et ayant peu d'appétence spontanée pour la formation.

Vous ne pouvez fonder votre réforme sur la prétendue rationalité des acteurs, les chefs d'entreprise comme les salariés, et sur la prétendue efficience des marchés auxquels vous livrez la formation et l'apprentissage. Vous ne pouvez pas vous contenter de proclamer faire le pari de la confiance et abandonner les plus fragiles de nos concitoyens aux bons soins d'une application sur mobile.

Vous ne pouvez pas davantage fonder votre réforme sur de la pensée magique : la formation ne crée pas l'emploi, les moins qualifiés ne se forment pas spontanément, les entreprises n'investissent pas toujours d'elles-mêmes dans la formation et les marchés ne se paient pas de bons sentiments.

Votre projet ne libère pas les individus : il libère les marchés.

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